Malgré la mélancolie de Rooney Mara, son déluge d’effets chichiteux et sa poésie en marche forcée, « The Grill », journal de bord fantasmatique d’une brigade cosmopolite d’un restaurant new-yorkais, peine à générer cette folie qu’il ne fait qu’effleurer.
Après ce décollage soigné, on passe en pilotage automatique : running gags essorés, dialogue méta de cours de récré, guest-stars embarrassantes (pourquoi Isabelle Adjani pastiche-t-elle Monica Bellucci avec un accent allemand !?). Le charme et la fantaisie, à la différence d’un avion, ça ne se commande pas.
De l’interprète de Fanon, aussi cinégénique qu’il est piètre acteur, au sentiment que l’on a d’entendre les scénaristes derrière chaque réplique, « Fanon » oscille entre mollesse académique et didactisme free style (ah, ce crabe qui annonce la leucémie dont il mourra…).
« Ce n’est qu’un au revoir » est suivi par « Un pincement au cœur », un autre documentaire tourné quelques années plus tôt par le cinéaste dans un lycée de Hénin-Beaumont, récit d’apprentissage bouleversant, découverte pour deux gamines des vices cachés de l’attachement.
Dans ce film tout en non-dits et en hors-champ, ponctué par les logorrhées agressives (et magistralement écrites) de Pansy (Marianne Jean-Baptiste), la réconciliation espérée – avec la vie, son époux ou sa sœur – ne se concrétise jamais. Cette absence fait toute la puissance cruelle de ce beau drame épuré.
Avec leurs blazes dignes des Marx Brothers ou des frères Safdie, Lenny et Harpo Guit, pour leur deuxième film après « Fils de plouc », assument leur style affreux, sale et méchant.
« Richard III » féminisé et transposé aujourd’hui au sein d’une famille arabe de la pègre berlinoise ! Improbable projet où l’esprit de Shakespeare surnage sous les coups de boutoir d’une mise en scène hyperbolique. A côté, Denis Villeneuve, c’est Lubitsch.
Au foisonnement parfaitement orchestré du scénario entremêlant vengeance, course contre la montre, rivalités mortifères et silencieuses parties de go répond sa mise en scène qui, tout en mouvements précis et puissamment dramaturgiques, sublime littéralement le film.
Sur une dramaturgie classique et solide, semée de personnages un peu archétypaux au départ vite réhabilités par une complexité progressive, l’auteur de « Petite nature » (2021) donne une voix à ceux qu’on n’entend pas et tisse un drame intimiste dans lequel il offre de superbes partitions à des comédiennes aguerries telles que Marina Foïs et Sophie Guillemin.
Nonobstant son esprit de dérision, « Novocaine » met toutefois en scène la méfiance mutuelle de deux Amérique blanches : celle des cadres du tertiaire jugés fragiles par la seconde, manuelle, survivaliste, rêvant d’en découdre.
On devine derrière la retenue de la mise en scène l’intention louable de l’Israélien Eran Riklis de figurer la perniciosité rampante du régime ; désespérément scolaire, elle contraint le film qui tient par ses actrices, dont Golshifteh Farahani et Zar Amir Ebrahimi, toutes des Iraniennes exilées, et par son écho au mouvement Femme, Vie, Liberté.
La force de cette fable sensuelle et fascinante tient au talent « botaniste » d’Alanté Kavaïté, à sa dextérité à semer le mystère et à le laisser s’épanouir comme du chiendent.
A cette aune, comment séduire les anti-corrida ? Par ce regard d’entomologiste mi-malicieux, mi-cruel porté sur le personnage d’Andrés Roca Rey, petit monstre narcissique ivre de lui-même qui, à bien des égards, semble importé du cinéma de Werner Herzog.
Un étrange effet de mise à plat opère ici : le miracle d’une vie est traité avec la même légèreté qu’un faisceau d’anecdotes dont on doute foncièrement de l’intérêt – en dehors d’émouvoir sincèrement le seul Roland Perez ou son idole de toujours, Sylvie Vartan. Reste l’abattage cartoonesque de Leïla Bekhti, toujours au top quand elle flirte avec l’outrance.
« Corpo elétrico », le premier film de Marcelo Caetano, nous avait déjà électrisés. Son nouveau long-métrage, immersion nocturne et solaire dans les trafics de drogue et de sexe, confirme le talent sensuel et engagé d’un auteur dont la mise en scène enivre les sens.