Que dire, que dire, que dire??? La critique de Lucy est une épreuve. Je vais proposer une interprétation du film plus que donner un avis et une critique.
Le film s'illustre en premier lieu par son extrême diversité: Besson tente de nous mélanger ici le documentaire, le thriller, le film d'action divertissant, la chanson poétique, la réflexion philosophique, tout en restant une production unique. Il s'agit pour cela d'une impressionnante diversité sonore (musique ou autre) et visuelle (les scènes exploratoires du début et de la fin) mais aussi de différents éléments du film: scènes, lieux, objets, (notons le fait que l'action se passe dans des pays totalement différents avec des personnages pratiquant différentes langues), etc... Qui appartiennent manifestement à des univers différents et représentent des choses différentes (bon, je sais, je suis dans l'abstrait complet). J'ai donc ressenti Lucy comme un pêle-mêle organisé dans lequel Besson souhaite rassembler le 7e art tout entier (Lucy fait resurgir tous les réflexes acquis par un spectateur à travers tous les films qu'il a vus, c'est une sensation étonnante, et on reconnaît nombres de classiques du cinéma), de faire un film-bilan très personnel. Mais il veut peindre cette production par son style exprimé à son paroxysme: le rapport à la nature, les détails humorés, les personnages... C'est Besson qui s'exprime, qui dit ce qu'il semble avoir toujours voulu dire. Pour à la fois clarifier ce style et ce "bordel" audiovisuel (terme non-péjoratif ici), le film est découpé de plusieurs manières: bien sûr, il y a l'annonce des "chapitres" (les pourcentages), mais aussi des effets sonores (je tient à préciser que l'aspect sonore est remarquable dans Lucy), des constructions de scènes, des "pauses" dans le film qui marquent des étapes (quand elle dort par exemple) assez nettes qui donnent un rendu fluide, bien articulé. Il faut bien sûr parler de tout le montage parallèle des scènes métaphoriques importées au film qui illustrent le déroulement de l'action et l'intrigue psychologique (citons la scène du léopard). Besson déploie tout son génie artistique dans la réalisation car c'est clairement par l'image qu'il veut s'exprimer, et rendre ainsi hommage au monde du cinéma. Lucy est un film qui pour moi n'existe que pour son propre concept, par vraiment pour le divertissement ni pour l'histoire.
Voici pour les points positifs, qui je pense sont les raisons pour lesquels Lucy a plu. Maintenant je vais proposer mon explication quand à pourquoi Lucy n'a pas marché pour beaucoup d'entre nous (moi compris, eh oui). J'ai été d'abord très sceptique puis vivement déçu par les interactions personnages/Lucy, ou des personnages entre eux. Oui, j'ai ressentis ces relations et ces rapports comme assez détachés du reste du film, peu cohérents, voire naïfs et beaucoup moins profonds que ce à quoi aspire Besson dans l'image. Ces défauts de scripts et de réalisation entachent la portée émotionnelle du film et le rendent moins saisissant, moins immersif car ils rendent le spectateur un peu frileux et dubitatif. D'autre part, je pense que Besson s'est emballé: très ambitieux, il mise tout sur le pouvoir de l'image et des sensations pour toucher le spectateur. Mais c'est pour moi un échec, car Lucy en devient bien trop artificiel, il manque de chaleur et de quelque chose de plus humain, car c'est cela qui peut toucher réellement le spectateur et le prendre aux émotions par l'identification et la compréhension (citons "Her", de Spike Jonze).
Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire pour Lucy, c'est une interprétation prendre ou à laisser (je n'ai peut être rien compris au film !). Lucy ne m'a personnellement pas touché, même si j'ai passé un bon moment rien que pour la beauté remarquable du film et pour le concept que propose Luc Besson.