Heureusement, il y a les amis. Et Noël, et les cadeaux. – Tu ne l’avais pas, j’espère ? Je rassure avec un sourire : Non, non, je ne l’avais pas. – Et tu le ne l’as pas vu en salle non plus ? A l’évidence, mon ami ignore que ça fait un petit moment que j’ai lâché l’affaire. Il doit sans doute se souvenir de notre période "Le Grand Bleu", de l’effet que le film avait produit sur nous, de notre voyage en Grèce quelques années plus tard et de cette virée à Amargos, un vrai pèlerinage ! Il pense peut-être aussi à la sortie du "Cinquième élément", à notre enthousiasme à retrouver sur grand écran l’univers de Moebius et Mézières qui étaient alors nos auteurs de BD préférés. La classe de Moebius et la coolitude de Bruce Willis, un must ! Mais le temps a passé, ami, et mon intérêt pour Besson aussi. Mais ça, je ne le dirai pas : Je prends ce DVD pour ce qu’il est, un cadeau, et je le pose en bonne place sur mon bureau. Je le pose et puis je l’oublie. Jusqu'à ce week-end où mon fils me tire par la manche : - Eh, mais on a Lucy ! On peut se le regarder, dis ? Un peu, mon neveu, enfin mon fils, un peu qu’on se le regarde. Et nous voilà partis pour une petite séance de cinéma maison, comme on les aime. Mon fils a été le premier à déserter. Au bout d’une heure, je crois. Moi, j’ai voulu regarder jusqu’au bout, c’était un cadeau tout de même ! Jusqu’au bout donc, où j’ai fini effondrée, ou hilare, les 2 en fait, je jure que c’est possible. Ça démarrait pourtant bien, Besson semblait avoir une idée du tonnerre : Une étudiante, contrainte de jouer les mules pour de méchants trafiquants, voit son organisme envahi accidentellement par la drogue surpuissante qu’on lui a placée dans le bide. Elle se met a développer des capacités inconnues, mobilisant petit à petit (enfin en 24h) toutes les ressources de son cerveau, là où le commun des mortels n’en utiliserait que 10%. Mais le film lui fait exactement le contraire : il ne déploie rien, ne mobilise rien de nouveau, juste les figures habituelles (la jeune femme innocente aux prises avec la méchanceté du monde, la vengeance, la violence chorégraphiée, les poursuites en bagnole..) et il n’ira jamais plus loin que son pitch. Scénario anémié, dialogues indigents, mais la recette absolue pour emballer le tout : le casting ! Scarlett Johansson donc, qui vient relayer avec conviction les muses précédentes, les Anne, Nathalie et autres Milla, et Morgan Freeman à qui Luc Besson a confié la lourde tâche de donner du crédit au scientifique de son histoire, un homme dont les recherches depuis 20 ans n’ont produit qu’une ligne de texte (« Imaginez si nous pouvions utiliser 20% de notre cerveau, voire davantage… mais attention, bien sûr ce n’est qu’une hypothèse »), un texte qu’il va devoir radoter avec autorité et bienveillance (mais pas de problème, autorité et bienveillance, c’est tout Morgan, ça !). Quoi d’autre ? Des cadres toujours aussi efficaces, la belle photographie de Thierry Arbogast, des SFX étonnamment ratés et des stock-shots en pagaille – histoire d’égayer façon diaporama une pauvre conférence. Un drôle de fatras pour un film très court, tendu vers sa fin attendue, annoncée même, mais dont je ne dirai rien. Sauf ce scoop, ami lecteur : Toute la connaissance du monde tient dans une clé USB. Si, si ! Sans doute une question d’échelle : le scénario devait tenir sur pas grand chose.