À l'aube des années 40, en pleine seconde guerre mondiale, la propagande américaine pour son entrée dans le conflit bat son plein. C'est au milieu de cette atmosphère qu'on nous explique les origines du célèbre héros Marvel. Les décors, les costumes, la musique nous sont admirablement dressés pour nous plonger au milieu de cette ambiance, ça marche bien et c'est de qualité. Néanmoins il y avait largement de quoi faire mieux, de quoi accentuer le concept de la propagande, de nous laisser s'évader avec davantage d'images d'archives, avec des procédés cinématographiques de l'époque intégrés dans une production moderne. Le côté nostalgique a à peine été suffisamment travaillé, on ne s'en amuse pas en tentant de nous glisser quelques petits clins d'oeils, ou en nous faisant marrer d'une conception du futur erronée par rapport à notre actuel présent. Il y a eu 5 minutes, lors desquelles
on nous montre comment le personnage est manipulé devant le public pour servir la propagande, sur scène et dans les médias, à ce moment on sent avec passion que
cet esprit a effectivement été brillamment intégré, mais malheureusement, nous nous en contenterons puisqu'à aucun moment lors du reste du film on n'aura cherché cette originalité. Un manque d'imagination qu'on dénotera également dans le design excessivement moderne qui caractérise de manière inapropriée tout l'environnement avant-gardiste d'Hydra. Non seulement ça sort du contexte des années 40, ça dénote une incohérence gênante mais ça gâche l'ambiance générale de tout ce qu'on nous a pu nous montrer de sympathique jusque là. Déjà que les lampes LED qui ornent souvent les décors font grincer, on pousse le bouchon trop loin avec des armes, des armures, des machines, dont le design peut être considéré même aujourd'hui comme trop futuriste, ça fait vraiment tâche au milieu d'une image qui nous avait séduite. Le charme aurait opéré en nous présentant tout cela plutôt à la manière d'un "Wild Wild West" ou d'un "Bioschock" (jeu vidéo), une sorte de symbiose paradoxale avec un design rétro, qui aide toutefois grâce à ce paradoxe justement, à accepter les improbables intrusions technologiques sans nuire au contexte. Pour ce qui est de Captain America, l'histoire de sa genèse tient globalement la route, avec des effets spéciaux impressionnants de justesse pour amaigrir le corps du fébrile Steven Rogers. La seconde partie du scénario le heurtant à Crâne Rouge, est elle, moins réjouissante. Elle tombe vite dans le cliché et ne va absolument pas chercher à profiter de la richesse des faits de la deuxième guerre mondiale pour confronter les deux personnages. Pourquoi être allé chercher de nouveaux plans machiavéliques, si c'est pour qu'ils soient aussi stéréotypés, alors que cet effroyable épisode ravageur ne manque déjà pas de monstruosité ? Crâne rouge aurait bien trouvé sa place dans ces faits historiques, dont Captain America aurait été le sauveur, le duel en aurait gagné en crédibilité, et même en intensité en optant par exemple pour le front comme terrain de débats entre les deux ennemis, plutôt qu'aller choisir des décors neutres. Autre paramètre important non exploité, on a quand même affaire à un proche de Hitler, pourquoi ne pas avoir embarqué ce dernier un minima dans le scénario ? Mis à part le simple statut d'associés dans le crime, aucune interaction n'aura eu lieu entre les deux scélérats, aucune présence directe ou même indirecte du dictateur, à tel point qu'on se demande même quel a donc été l'intérêt de nous les avoir fait rapprochés. Pour finir, mentionnons l'action où là aussi quelques lacunes subsistent. Peut-être que c'est à cause de l'action hollywoodienne qui nous a trop habitué à des héros excessivement forts pour des hommes conventionnels, mais à part jouer avec son bouclier, on n'aura rien vu d'extraordinaire quant à la puissance de Captain America, rien qui fascine au point d'en faire un personnage hors du commun, son côté super-héros reste trop abstrait, l'aspect surhumain pas suffisamment mis en valeur, même son expertise militaire n'a pas été démontrée. Enfin je le sais bien qu'il n'a pas vraiment de super pouvoir, mais il y a quand même moyen qu'on nous expose davantage ce qu'il aurait de plus par rapport à quelqu'un d'ordinairement très musclé. Même constat du côté de Crâne Rouge, qui au-delà de son aspect diabloique, et de sa cruauté sans limite ne nous fait aucune démonstration convaincante de ses atouts, c'est quand même insipide pour un film de super-héros. La réalisation pourtant globalement au niveau, se retrouve pénalisée par ses mauvais choix, tant au niveau de la décontextualisation du récit, qu'au niveau des clichés par lesquels elle s'est fait piéger. "Captain America : First Avenger" souffre d'un manque cruel d'audace et de caractère, et se contente d'une exposition superficielle des évènements marquant l'émergence du héros, nous offrant un spectacle trop longtemps resté glacial pour parvenir à nous émerveiller.