Avant Hulk, Iron Man et Thor, créés dans les années 1960, il y avait Captain America, le tout premier Vengeur. Méconnu en France, le héros patriote, créé en 1941 par Joe Simon et Jack Kirby quelques mois avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, a pourtant vendu quelques 210 millions d’exemplaires de par le monde. Cette adaptation intervient dans le cadre de la sortie du collectif des Vengeurs qui regroupera, entre autres, outre Captain America, d’autres vedettes Marvel comme Hulk, Thor ou encore Iron Man. Mais il est aussi intéressant de souligner le contexte historique de cet anniversaire du personnage (le 70ème) à une époque de crise de confiance de la toute puissance américaine, sérieusement écornée depuis l’échec vietnamien, les événements tragiques du 11 septembre et le fiasco afghan qui a conduit Obama, cette année, à ordonner le retrait progressif de ses troupes du bourbier local. Captain America est en effet le super-héros américain de l’héroïsme patriotique, celui qui représente des valeurs d’abnégation et de courage en temps de guerre. Ses muscles gonflés sont les symboles de la puissance de l’étendard américain. Son avènement au cinéma est dans l’air du temps. L’Amérique a besoin de croire en ses valeurs, mais le héros réussira-t-il à les imposer au box-office ? Pour rendre hommage au premier super-héros Marvel, les producteurs et scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely (la trilogie "Narnia") ont décidé d’ancrer leur adaptation cinématographique dans les années 1940, au cœur du conflit contre Hitler, ici un peu évacué au profit du grand méchant de service, Crâne Rouge, à la tête d’HYDRA, une organisation scientifique allemande. Le cadre résolument classique, celui des films de gangsters new-yorkais d’époque ou des champs de bataille européens des films de guerre, se démarque au cœur d’une production de blockbuster inlassablement tournée vers la science-fiction et le futur. Ce retour en arrière peut déstabiliser, tant la déferlante d’effets spéciaux à laquelle Hollywood nous a habitué se fait ici discrète. Les exploits de Captain America sont moins tapageurs. L’essentiel se résume à la recréation d’une Amérique datée (avec un nombre incalculable d’anachronismes pour lui donner tout de même plus de style), à la transformation du gaillard Chris Evans en gringalet chétif pendant une bonne vingtaine de minutes d’introduction, ou encore à la mise en place des exploits de Captain America, finalement peu spectaculaires. Pour information, le Capitaine est un super-héros sans réels pouvoirs extraordinaires qui bénéficie, à la suite de l’injection d’un sérum par l’armée américaine de forces humaines qui ont été accentuées. Cette proximité avec l’œuvre originelle que les auteurs refusent de trahir est-elle une bonne chose à notre époque ? C’est la question que l’on peut se poser face au classicisme certain du résultat qui peine parfois à vraiment captiver. Le script, sans aspérité et sans relief particulier, fait la part belle à la présentation et à la création du héros (cela devient répétitif à la fin). Ce n’est pas que l’on s’ennuie, mais à côté, dans l’action, il ne se passe pas grand-chose à l’écran. L’humanité et les convictions du héros sont surlignées et il faut bien la moitié du film pour que le jeune homme en costume moulant s’impose vraiment dans l’armée et que le combat ne commence vraiment. Pour emballer le tout et insuffler de la passion au récit, la réalisation soigneuse de Joe Johnston manque de souffle et d’idées. Accompagnée d’une photographie glamour plutôt agréable, elle paraît finalement assez illustrative, faute d’un vrai point de vue artistique. Du côté de l’interprétation, même constat de fadeur dans le choix facile de Chris Evans. Si la Torche humaine des 4 Fantastiques incarne correctement son personnage de forcené de la paix (ou d’obsédé de la guerre, à voir), il n’est pas suffisamment habile pour lui donner de l’épaisseur : ses fêlures, malgré une vie entière de brimades à l’encontre de son physique fragile, sont à peine visibles. Alors qu’au-delà du courage, il incarne aussi la perfection physique (la beauté et la vigueur d’une jeune nation qu’est l’Amérique), Chris Evans l’acteur est paradoxalement transparent dans un rôle pourtant très physique. Aussi, on lui préfère logiquement Crâne Rouge, personnage de la mythologie Marvel notoire, à qui l’on a initialement injecté le même sérum que son alter ego du bien, mais dont le caractère maléfique a détourné ses pouvoirs du droit chemin, transformant l’homme en monstre au visage décharné et rubicond. Hugo Weaving a les honneurs d’interpréter l’un des baddies les plus intéressants vus récemment dans un film de super-héros. Loin du frérot jaloux de Thor ou du magma extra-terrestre sans vie de "Green Lantern", il s’amuse avec un plaisir évident à jouer au méchant qui se détourne d’Hitler afin de défendre ses propres desseins de destructions globales. Épris de son pouvoir surnaturel, il voit dans sa nouvelle condition une légitimité divine qui le conduit à l’abominable. Dans la folie des grandeurs, sans nécessairement cabotiner, l’acteur parvient à mieux exister derrière son masque que Chris Evans, tout muscles saillants, derrière son bouclier. Au final, moins une œuvre de science-fiction qu’un film de guerre gonflé au discours intrinsèquement patriote de son personnage, "Captain America : First Avenger" ne démérite pas pour autant mais s’accorde peu avec les canons attendus par le public contemporain. Patriotisme rime ici avec classicisme ronflant, ce qui pourrait éconduire plus d’un spectateur français loin des salles de cinéma. Pourtant, qu’on ne se trompe pas d’ennemi, le film se situe à des années-lumière de son concurrent direct, "Green Lantern", puisque contrairement à la production Warner Bros, il ne s’agit nullement en terme de spectacle d’un naufrage artistique, mais il reste un film de super-héros vraiment pas terrible