David Fincher revient à un genre qu'il a lui même refaçonné avec Seven, le thriller. La promesse d'un grand moment de cinéma est d'autant plus forte que sa nouvelle réalisation s'attaque au mystérieux tueur du Zodiaque, qui a réellement sévi dans la fin des années 60. Pour autant, ne vous attendez pas à retrouver l'ambiance glauque de Seven ou la violence extrême de Fight Club, Fincher ayant décidé de prendre à contre-pied le genre qui l'a pourtant installé au sommet. Son but: aborder l'enquête sur ce serial-killer comme un morceau d'histoire à disséquer. Et il le fait avec une précision clinique. Et avec une sobriété des plus impressionnantes. Pour ainsi dire, la seule scène stylisée, nous rappelant qui est derrière la caméra, c'est l'introduction. La suite rend limpide la règle que s'est fixé le réalisateur: montrer les faits et uniquement les faits. Toutes les dates ayant émaillé l'investigation sur plus d'une décennie sont disséminées le long des 2h38 de projection.
Oui, le film est long mais sa durée est finalement nécessaire pour rendre justice aux évènements et protagonistes liés à cette affaire. Car ce qui intéresse Fincher, c'est avant tout l'histoire d'un traumatisme collectif qui n'a jamais cicatrisé (le Zodiaque n'a jamais été traduit en justice). Et pourtant Dieu sait que beaucoup se sont cassés les dents dessus, certains au détriment de leur santé ou de leur vie de famille. On suit tour à tour trois personnages ayant joué un rôle crucial dans l'enquête: Dave Toschi, un policier renommé (ayant inspiré Steve McQueen pour Bullit); Paul Avery, journaliste du San Francisco Chronicle puis Robert Graysmith, jeune dessinateur pour le même quotidien.
C'est d'ailleurs ce dernier qui mobilise toute l'attention du réalisateur. Anti-héros par excellence (pas un génie, pas un justicier), Graysmith c'est le second-couteau qui fait une percée décisive.Dans le rôle, Jake Gyllenhaal transcende tous les espoirs placés en lui. Mark Ruffalo (l'inspecteur Toschi) et Robert Downey Jr (Paul Avery) ne sont pas en reste, confirmant (une fois de plus) leur immense talent. Avec une facilité déconcertante, Le metteur en scène parvient à rendre compte de l'extrême difficulté de cette enquête. Multiplicité des témoignages, pièces à conviction à foison, manque de cohésion entre les services de police, attitude des médias envers l'affaire,...Rien n'est laissé de côté.
Même la durée du film semble parfaitement en osmose avec le grand thème sous-jacent du film, le temps. Cet inexpugnable ennemi qui altère les preuves, floute les souvenirs, perd les hommes et rend la vérité incertaine. Fincher utilise tous les marqueurs temporels à disposition (dates, rides et cheveux blancs, construction de la Transamerica Pyramid) afin de constamment replacer cette colossale investigation dans une langueur persistante. Il fallait bien son génie visionnaire pour casser les codes instaurés avec Seven et proposer une alternative au thriller qui suinte.
Le type de chef-d'œuvre qui servira de boussole pour les 50 ans prochaines années. Pas moins.