La critique Chevreuils Asso Ciné : The Substance (9 novembre 2024) ⚠️ SPOIL ⚠️
Un problème de timing
Dans sa première demi-heure assez réussie, Demi Moore (interprétant Elizabeth Sparkle) livre une excellente performance assumant les gros plans qui trahissent son âge sous scalpel. Présentatrice vedette d’une émission de fitness comme on en fait plus (c’est sans doute le problème), Elisabeth Sparkle se fait congédier au profit d’une femme plus jeune, plus fraîche, plus belle. Le film nous économise de toute réflexion, en nous imposant des stéréotypes et prêt-à-penser datés, et nous frustre à rebours de ne pas nous avoir donner de matière à progresser. La réalisatrice semble avoir mûri trop longtemps la problématique du culte de la jeunesse et de la beauté, pour finalement la traiter aujourd’hui de façon anachronique.
Quelle vision de la femme ?
Le film ne fait pas la part belle aux hommes. L’exagération du jeu (Dennis Quaid en producteur grand-guignolesque) est à la limite du grotesque. Au final, on est plongé dans un monde qui ressemble vaguement aux clips rock des 90’s, s’indignant à l’époque de ces mêmes codes de réussite qui étaient à l’ordre du jour (voir par exemple « Black hole sun » de Soundgarden). Les hommes dirigent, sont moches et vulgaires. Mais les femmes ne sont pas mises à l’honneur pour autant. Elles sont résumées à leur corps, chair fraîche ou vieillissante, une semaine sur deux. Le corps vieillissant devient gênant à faire détourner le regard ; le corps jeune est scruté sous toutes les coutures, ce qui ne manque pas de nous mettre mal à l’aise. Mais le film ne donne aucunement la parole aux femmes. Peu de dialogue, à aucun moment on accède à la pensée des femmes sinon sommaire, qui consiste à souhaiter jeunesse et beauté. Elles sont objets, subissent le temps, se tirent la bourre pour grappiller quelques minutes de fesses fermes, et n’évoluent pas. Au final, on ne dépassera à aucun moment la question du corps. On surfe sur les attentes caricaturales du féminin d’une époque révolue. La réalisatrice s’échine à tenter de couper la tête d’un monstre décapité depuis plusieurs décennies. D’autres monstres, plus insidieux, plus sournois, sont probablement à anéantir.
Des références en (sur)abondance
Le film s’inscrit dans la lignée de « Requiem for a Dream » qui abordait déjà les thématiques de la gloire, l’ambition et la déchéance, en 2000. Au montage frénétique, également emprunté à Darren Aronofsky, s’ajoute de nombreuses références non dissimulées : De Palma, Kubrick, Hitchcock, Cronenberg, Carpenter, Gordon, Lynch... Presque indigeste.
Une fin qui manque de tripes
Beaucoup de sang, mais pas de tripes. Un final pseudo rageux qui n’exprime rien de la colère qui devrait être celle d’Elizabeth Sparkle, mise au ban d’une société où seule la jeunesse est succès. Au contraire, ce qui reste de cette présentatrice de fitness (sorte de monstre de chair Elephant woman) continue de chercher l’amour de son public tentant désespérément de le séduire une dernière fois, dans des artifices qui la ridiculisent. Le rapport qu’entretient Elisabeth Sparkle avec les normes esthétiques n’évolue pas. La scène finale est agressive mais sans propos. Les spectateurs se font hurler dans les oreilles déjà pleines de 2 heures de sons décortiqués, organiques et vomitifs. Misophones, s’abstenir. C’est Carrie au bal du diable sans la colère, sans l’élaboration... Et surtout sans le diable. On attendra jusqu’au bout un sursaut de vengeance ou un retournement de situation. Raté.
Y'a-t-il une autrice derrière la caméra ?
Telle une parodie des ZAZ, mais sans l'humour à la clé, Coralie Fargeat enchaîne les références de films presque plans pour plans (Kubrick, 3 fois quand même), sans servir son propos. Les règles du switch entre les deux corps ne sont jamais posées, les a-t-elle elle-même pensées ?
On assiste à un clip de 2h20 où l'insistance de la caméra sur le corps de Sue (personnage (sur)-incarné par Margaret Qualley) n’est qu’un prétexte pour se rincer l’œil, au détriment de la question du féminisme. La réalisatrice propose un message inepte, et surfe sur un genre peu produit en France (« Body Horror ») dont elle se sert sans vergogne comme gage d’originalité. Il en résulte des tas de chair, et des litres de sang, qui ne suffisent pas à nouer les ficelles grossières d’un scénario stérile, digne d’une série Z (à gros budget).