Un film intéressant, fort, complexe et ambitieux sous plusieurs aspects. Tout d’abord une forme, une esthétique très réussie, Coralie Fargeat sait filmer , des cadrages au couteau , des plans soignés , beaucoup de référence ; Kubrick « 2OO1 » et « Shining »,bien sûr avec ce couloir rouge, cubique chemin d’accès au studio , filmé comme un parfait parallèlipède, l’œilleton qui rappelle HAL, ou l’ouverture de « 2001 », avec Zarathoustra, sur la bestialité de l’homme dès son origine, et même la colorimétrie psychédélique de l’arrivée sur une autre planète . Il y a aussi du Gaspar Noè dans cette manière de filmer psychotique. Un travail sur les couleurs impressionnants, les rouges et les bleus permanents, beaucoup de gros plans aussi, sur les visages, les grains de peau, Dennis Quaid qui mange en gros ces shrimps baveuses en gros plan est un must ragoutant, mais aussi bien sûr tous les effets sur les corps des deux femmes , les rides , la tension de la peau, la douleur, chaque partie du corps filmé en gros plan, ces douches filmées par-dessus, en zoom arrière. Il y a encore le « message » sur cette intention contemporaine du jeunisme, sur le monde la consommation, de l’éphémère, mais rien de didactique, on est dans de l’hyperréalisme d’une certaine manière, il y a un côté très « publicitaire », très clip, très stylistique, dans la manière de montrer les choses. Il y a aussi un esprit persifleur, de la raillerie : des clins d’œil à Amazon, au « réality shows », aux ex stars déchus . Demi Moore est absolument exceptionnelle et aurait vraiment mérité le prix à Cannes, qui a plutôt misé sur une récompense d’ordre « politique », politiquement correct, comme souvent. Par contre on peut questionner les 45 dernières minutes, et le basculement vers le gore, l’ultra violent, l’exagération, une sorte de film de genre. Dans ma salle, complète, beaucoup de spectateurs éclataient de rire, tout le monde se mettaient à bavarder, à glousser, une sorte de réaction de défense à cette ultra violence. Est-ce bien l’effet souhaité par la réalisatrice ? Ce n’est pas une comédie. N’est -ce pas une perte de concentration, de détournement du sujet, pour moi effet très dérangeant, et tout ce gore, non nécessaire, est presque un autre film. Un incroyable travail aussi sur le maquillage et le design, la « bête », sorte d’Allien est magnifiquement conçue, un travail énorme, et un final sur scène époustouflant ,allégorie du système, de la modernité. Oui Coralie Fargeat, est bien une réalisatrice avec qui il faudra compter.