J’arrive dans le hall du cinéma et je ne peux que constater une fois de plus à quel point le septième art est devenu commercial : à ma gauche une affiche pour le nouveau film d’animation du Seigneur des anneaux, à ma droite pour une nouvelle suite en live action du roi lion. Et je vais voir Gladiator 2, suite d’un film sorti 24 ans plus tôt et qui s'auto suffisait totalement.
Le film démarre sur une magnifique intro animée repassant des images du premier film, avec pour objectif de nous le remémorer et puis de réveiller en nous la nostalgie nécessaire à nous acheter.
On a durant les trente première minutes une forte impression de déjà vu… en effet on a l’impression que l’histoire sera la même que dans le premier de A à Z… mais fort heureusement, le personnage d’Acacius
(bien que l’éternel cliché de l’homme juste, obéissant, tuant à contrecoeur et prêt à se sacrifier)
vient rajouter un élément dans l’histoire, formant non plus un duel comme entre Maximus et Commode mais un triangle de rivalité avec Lucius et la paire d’empereurs, on a même l’impression que Lucius est très différent de Maximus tant en caractères que dans ses valeurs et desseins, (Paul Mescal succède d’ailleurs magnifiquement à Ridley Scott en terme de charisme) il parait plus profond et recherché… malheureusement tout ce potentiel est vite réduit à néant par des événements précipités comme s’il fallait juste envoyer le plus d’action et de sang possible à travers l’écran, et des personnages bipolaires,
avec notamment la rivalité soudaine entre les deux empereurs ou Lucius qui renonce au dernier moment à sa vengeance (assez insensée par ailleurs) juste pour faire écho à la scène du premier dans laquelle Maximus épargne un autre gladiateur et jette sa hache… puis il va retourner voir sa maman (jouée par une jolie Connie Nielsen qui a exactement le même rôle que dans le premier film !) et lui parler comme si la dernière fois il ne l’avait pas reniée.
Macrinus, incarné par un Denzel Washington en forme à défaut de ne pas avoir l’air d’incarner un centurion astérixien,
gagne alors soudainement en importance et incarne le personnage stratégique politiquement et sans scrupules (oui un de plus, à croire qu’à Rome y’avait que ça et son exacte contraire, le “rêve utopique de Rome” qui semble être la morale assez mièvre du film et le principal moteur d’émotion…).
La plus grosse erreur scénaristique, et on aurait dû s’y attendre tant c’était prévisible, c’est la coïncidence du personnage principal qui comme par hasard est le légitime empereur et fils du personnage principal précédent… sans blague y’avait pas autre chose pour changer ? N’y avait-il pas moyen d’explorer d’autres éléments de l’histoire romaine… on aurait par exemple pu faire davantage participer le peuple à l’histoire, montrer en quoi les jumeaux empereurs sont tyranniques à l’intérieur même de la vie romaine.
Par ailleurs on peut saluer un effort de la part de Ridley Scott pour respecter davantage l’Histoire, en remarquant déjà que la plupart des personnages, dont le personnage principal, ont vraiment existé ! Bon la moitié des éléments les plus importants de leurs vies ont étés modifiés mais on progresse.
Du côté des dialogues on a pas mal de phrases ringardes destinées à faire accrocher le spectateur mais sinon c’est assez satisfaisant, on a beaucoup de références à des phrases cultes du premier mais également de nouvelles punchlines.
Visuellement ce ne pouvait qu’être superbe, et c’est le cas, les filtres de photo, les costumes, mais surtout les chorégraphies batailles sont extrêmement travaillées, quoique que légèrement exagérées, dans le premier elles étaient plus réalistes.
Mais Ridley Scott joue vraiment avec le point de vue, nous considérant nous-même comme des romains assoiffés de sang et nous concoctant un programme spectaculaire, on en oublie même l’absurdité totale de la bataille navale avec les requins. J’ai trouvé que Scott filme ici de manière plus classique que d’habitude mais il fait largement le job.
La violence physique se fait beaucoup plus présente, beaucoup de scènes étant d’une cruauté ou d’un gore vraiment répugnant, mais on ressent beaucoup moins la violence psychologique et surtout le côté malsain que suscitait Commode (Joaquin Phoenix difficile à oublier), et pourtant les deux nouveaux empereurs n’ont quasiment rien à lui envier tant ils sont malaisants et malfaisants (Joseph Quinn et Fred Hechinger positivement dérangeants), je pense que c’est une histoire de rythme beaucoup moins lent et pesant, jouant moins sur les tensions et les rivalités, puis tout simplement que l’effet de surprise est passé.
Et non, pas de Hans Zimmer. Mais Harry Gregson Williams ne délaisse pas les thèmes musicaux mythiques composés par celui qui fut d’ailleurs son professeur, il réutilise le Sorrow et le Now we are free et assez judicieusement, c'est-à-dire aux bons moments, pas seulement pour le fanservice. Le reste de la BO est également correcte dans le sens qu’elle accompagne bien le film à défaut de proposer beaucoup de passages vraiment remarquables, on a par ailleurs certains moments ou la musique tombe trop dans le cliché “exotique”.
Le “Now we are free” du générique de fin donne la chair de poule à entendre mais encore une fois finir le film avec la main dans les champs de blé, toutes les allusions à Maximus et au premier Gladiator, c’est de la triche, c’est du fan-service gratuit et mal intégré…
Je m’attendais à détester mais je suis forcé de constater que ce Gladiator II est une suite qui se regarde tout en restant incomparable à son illustre prédécesseur.