"L'art moderne, c'est n'importe quoi, et ça ne plaît qu'aux snobs ridicules." Voilà pour le résumé des 2h30 de The Square, dont la redondance (toujours ce même message, en boucle, et ça dure, ça dure...) n'a d'égale que la virulence de son propos. Ruben Ostlund n'hésite pas forcer le trait de ses gags, à aller jusqu'à montrer frontalement l'hérésie qu'il dénonce, tirant un grand coup sur la nappe de soie parsemée de flûtes de champagne, pour créer un désordre de luxe sublime. On repense au gag de l’œuvre d'art qui est une accumulation de petits tas de poussières (avec le message trop explicite "You Have Nothing" placardé en grand, un manque de finesse volontaire) qui est "nettoyée" par l'homme de ménage (allez hop, plus de saletés !), refaite à la va-vite par le vernisseur sans que personne ne s'en aperçoive ("L'art moderne, c'est très surfait", round 1, vainqueur : Ostlund, on a bien rigolé). On repense aussi au dîner au restaurant gastronomique, le climax du film, qui voit un
artiste bousculer un homme et quasiment violer une jeune femme, sans que les snobs ne bougent le petit doigt, pour ne pas "casser la performance artistique"...
Suffisamment ignoble pour qu'on les insulte devant notre écran, et qu'on les applaudisse ironiquement quand enfin un se lève pour porter secours à la jeune fille, suivi par les "courageux suiveurs" qui passent à tabac leur idole d'il y a cinq minutes. La scène a beau être bien trop longue et répétitive (à l'image du film entier, trop redondant et long), le message est puissant, tourne en ridicule la Haute, montre une adoration malsaine pour les formes d'Arts extrêmes qui se démarquent des grands classiques (l'apanage du petit peuple, on le comprend à demi-mots...) et même de l'art contemporain "version soft" (les récents Jeff Koons, dans leur absurdité totale, nous autorisent à en rire, ils s'auto-critiquent tels la boîte de Campbell ou la Marilyn de Warhol à son époque...). Dans The Square, l'Art moderne se considère absolument au premier degré, il n'est pas là pour amuser la galerie, et c'est bien ce qui en fait une satire parfaite pour Ostlund. Eh bien soit, Ruben a raison, on gardera nos bonnes vieilles œuvres faites avec amour (et un certain respect du public), on laisse à la Haute les tas de poussières "made in Rowenta" et l'homme-chimpanzé qui tabasse une jeune fille, sans regret aucun. Quant à sa propre technicité artistique, The Square s'offre une musique faite d'onomatopées étranges (on ne peut pas la manquer, en bien comme en mal) et une mise en scène d'un soin exemplaire. Et si vous voulez une expérience en "3D" de The Square, on vous recommande vivement le Mumok (Musée d'Art Moderne) de Vienne, où chaque œuvre (très sérieuse, attention, ne rigolez pas quand le garde passe...) ressemble à une blague, ou au cauchemar (devenu réalité) de Ostlund. Bonne visite.