C'est petit à petit, film après film, que le réalisateur suédois Ruben Östlund a réussi à imposer sa patte dans le cinéma mondial. Une ascension à laquelle le Festival de Cannes a beaucoup contribué, les 4 derniers longs métrages de Östlund ayant tous fait partie d'une des sélections les plus prestigieuses du Festival de Cannes : Un Certain Regard, Quinzaine des Réalisateurs, Compétition Officielle. Après avoir obtenu le Prix du Jury de la sélection Un Certain Regard en 2014 avec "Snow Therapy", le réalisateur s'est vu remettre en mai dernier la récompense la plus prestigieuse, la Palme d'Or, pour son film "The square". Une récompense qui est restée au travers de la gorge de nombreux critiques !
Ruben Östlund a manifestement une marotte : aller creuser au sein des familles et de la société suédoises afin de rechercher les travers qui viennent assombrir l'image d'un pays souvent donné en exemple et en faire un film dans lequel le drame voisine avec un humour très cynique. Dans "The square", le personnage principal s'appelle Christian. Il est le conservateur d'un musée d'art contemporain de Stockolm. Ses moyens financiers le placent parmi les nantis du pays et lui permettent de satisfaire sa bonne conscience en roulant en Tesla, la voiture écolo par excellence. Cette bonne conscience, il va également la cajoler dans le cadre de son travail, s'attaquant à l'organisation dans son musée d'une exposition intitulée « The Square », une exposition prônant l’altruisme et rappelant aux visiteurs leurs devoirs à l’égard de leurs prochains.
Cette bonne conscience a toutefois des failles et un événement somme toute anodin, le vol de son portable, va amener Christian à dévoiler ce qui est peut-être sa vraie nature. C'est ainsi que suite à cet événement, Christian n'arrive pas à comprendre que la fierté existe également dans les classes populaires et que, lorsqu'on en fait partie, on n'apprécie pas de se voir traité à tort de voleur. D'où la révolte légitime d'un gamin, habitant d'une cité HLM, que certains critiques ont trouvé le moyen de trouver déplaisant !
Dans "The square", Christian est loin d'être le seul à être raillé par Ruben Östlund :le monde des communicants et sa recherche permanente du buzz sont également dans le collimateur. Quant à la satire pas très méchante d'une certaine forme d'art contemporain, mal accueillie par certains (pamphlet inepte, critique facile, réactionnaire, déjà vue, etc.), on est bien obligé de reconnaître que souvent, très souvent, trop souvent, il y a vraiment de quoi se moquer. A contrario, c'est dans monde de l'enfance, celui des activités de pom-pom girls des filles de Christian, père divorcé, que le film trouve ce qui reste d'altruisme, d'esprit d'équipe, de confiance dans les autres dans un monde gangréné par l'individualisme.
Beaucoup de bons côtés, donc, dans "The square", mais également 2 défauts importants : le film est trop long (142 minutes !) et une scène de "happening" qui s'étire au delà du supportable au cours d'un repas mondain. Une scène qui a toutefois le mérite de vilipender la lâcheté des foules qui sont capables de ne pas lever le petit doigt face à une agression contre une jeune fille mais qui se déchainent lorsque l'agresseur a été mis hors d'état de nuire. En résumé, bien que faisant partie des 4 ou 5 meilleurs films d'une compétition officielle globalement faiblarde, "The square" ne méritait peut-être pas la Palme d'Or qu'on aurait bien vue attribuer à "Vers la lumière" de Naomi Kawase. Par contre, en absence de Palme d'Or, Claes Bang, l'interprète de Christian, pouvait légitimement prétendre obtenir le Prix d'interprétation masculine. Dernier point : on tombe des nues en constatant que le Figaro décerne à ce film le qualificatif de film de droite. On tombe encore plus des nues lorsqu'on voit Politis, hebdo vraiment de gauche, considérer que, en effet, "The square" est un film de droite. Que voulez vous : Ruben Östlund a osé se moquer de certaines formes d'art contemporain, son film est donc de droite.