Lorsque s'achève le dernier épisode de The Leftovers, lorsque les derniers mots se perdent avant l'ultime générique, on est admiratif, frustré, apaisé, triste, inquiet, on reste coi et en même temps animé de tant de choses. A l'image de cette immense série qui s'étale sur 3 saisons, on se retrouve mêlé de sentiments, ces mêmes sentiments que l'on a éprouvé pour ces personnages à l'humanité débordante. Et on aimerait avoir Damon Lindelof et Tom Perotta, là, devant nous, pour qu'ils nous explique pourquoi et comment leur est venu la matière pour nous délivrer une oeuvre si puissante dans ces petits riens.
The leftovers sous couvert d'une science-fiction suggérée, jamais démontrée et toujours à la lisière du réel, nous entraîne grâce à un événement mondial improbable, dans ce que nous avons de plus personnel. 4% de la population mondiale se volatilise et suite à ce drame planétaire, c'est autour de quelques individus brisés que nous allons évolués.
Tout au long de la série, l'inexplicable n'est jamais loin et il permet sans cesse de creuser dans l'intimité des personnages d'une complexité qui n'a d'égale que les êtres fragiles et fugaces que nous sommes.
Tom Perrotta et Damon Lindelof vont doucement et de façon toujours suggérée, mettre à nu les émotions, les interrogations, la détresse, l'espoir et la dualité de leurs acteurs qui vont incontestablement déteindre sur nous. Si les deux premiers épisodes de la série peuvent paraître déroutants, la suite prend brusquement une ampleur considérable tant et si bien que vous puissiez éprouver de l'empathie pour nos "laissés-pour-compte". Et leurs questionnements ne font que soulever les nôtres quant à la perte d'un être cher.
Car initialement, toute la volonté palpable de la série tient en une seule question : "Comment continuer face à l'absence de nos proches ?" Le deuil, la dépression, l'instant présent, la dualité intérieure, la religion, le mystique, l'individualité noyée dans la masse, la mort, la vie, nos enfants, nos aînés, nos peurs, nos joies, nos espoirs, nos résignations, les réponses que l'on veut à tout prix pour se rassurer, pour accepter, pour avancer. Certains diront qu'il ne s'agit que de masturbation intellectuelle et après de vifs échanges avec des amis, je comprendrais que tout le monde n'y trouve pas son compte. Car inutile d'argumenter pendant des heures, on aime ou l'on déteste The Leftovers pour les mêmes raisons.
Pour ma part, comme pour illustrer Lost, on pourrait reprendre cette phrase: "La recherche de la vérité est bien souvent plus intéressante que la vérité elle même." C'est ce constat identique que l'on peut dresser pour cet ovni onirique. La série vous donnera des réponses sur les grandes lignes mais elle vous laissera majoritairement trouver les vôtres. Elle vous prendra par la main parfois, vous pointera un arbre mais vous serrez seul pour gratter l'écorce qui vous rapprochera de votre vérité. Vous devrez trouver vos métaphores pour apprécier et vivre pleinement cet ode à la vie, ce plaidoyer pour l'existence qui n'est pas exempt de défauts là aussi très personnel. D'une profondeur rare, la série n'en reste pas moins techniquement bluffante.
La musique d'abord. Cette musique obsédante, douce, ces notes de piano qui nous absorbent pleinement dès qu'elles retentissent, qui nous font frémir, nous émeuvent et rajoutent à la puissance émotionnelle de l'oeuvre, comme une main tendue qui n'a d'autre but que de nous rattacher à l'état d'esprit du personnage qu'elle surplombe.
Et les acteurs, formidables incarnations tout en justesse et en finesse de leur personnage. Justin Theroux laisse transpirer l'incertitude qui résulte de ses faiblesses derrière sa carrure de pompier chip'n'dale. Carrie Coon le fait tout aussi bien en tentant de la masquer. Et chacun des acteurs nous offre une fragilité qui s'exprime différemment jusqu'à nous faire ressentir un attachement rare pour des hommes et des femmes de fictions.
Voilà, définitivement, The Leftovers est une immense série, riche, intense et complexe. Un peu déroutante certes mais intrigante et attachante. Inutile de m'en dissuader de la même façon qu'il me semble inutile de rallier à ma cause quelqu'un qui n'y aura pas trouvé son compte. L'expérience est à vivre si vous aimez les rapports humains, si vous vous sentez parfois comme un grain de sable dans l'univers, si vous voulez creuser dans ce qui fait que la vie vous anime ou vous terrifie. Jamais série n'aura tant mis aux yeux de tous ce que l'on peut ressentir au plus profond de nous mêmes. Alors, bravo.