Après le succès à peine surprise de True Detective, HBO poursuit sur sa lancée avec la programmation de The Leftovers, série dramatique à forte teneur psychologique centrée sur la mystérieuse disparition de millions de personnes autour du globe, ainsi que sur les efforts de ceux qui sont restés pour reconstruire leur vie en dépit de l'absence de réponse face à ce phénomène inédit. Inspirée du roman éponyme de Tom Perrotta, également créateur de la série aux côtés de Damon Lindelof (collaborateur de Abrams, avec lequel il a notamment élaboré la série Lost), The Leftovers s’accommode notamment de quelques noms prestigieux, dont celui du réalisateur Peter Berg, de l'acteur Justin Theroux et de l'actrice Liv Tyler.
L'œuvre de Lindelof et Perrotta est avant tout un objet curieux, quoi qu'on en dise. Dans la lignée de Lost et autres 4400, HBO mise sur l'aura mystérieuse de son nouveau projet pour aguicher les spectateurs : disparitions inexpliquées, phénomènes mystificateurs, personnages atypiques, tout est réuni pour délivrer un de ces spectacles dont raffole une audience blasée par des intrigues trop terre-à-terre. Néanmoins, et à la différence des séries mentionnées ci-dessus, The Leftovers fait le choix d'une pudeur extrême, à la fois dans sa mise en scène et dans son intrigue. En lieu et place des gros effets d'annonce et des rebondissements tous azimuts, on y substitue une histoire qui avance à pas feutrés, via notamment une mise en scène soignée, souvent propice à distiller une ambiance inqualifiable, à l'instar de la scène d'ouverture du pilote et de nombreuses scènes mettant à profit de longues séquences d'exposition, ainsi que la musique spirituelle de Max Richter.
La logique de progression est en phase avec le thème principal de l'intrigue : la religion, clé de voûte des différentes péripéties, bien que mentionnée surtout dans le sous-texte et assimilée de façon récurrente aux digressions psychologiques des personnages et aux événements surnaturels qui s'abattent sur la petite ville de Mapleton. A vrai dire, il est difficile de déceler dans cette première saison la cause de toutes les étrangetés qui sévissent au travers des épisodes : les pistes fourmillent mais aucune d'entre elles ne permet de statuer sur le pourquoi du comment de cet imbroglio mystico-fantastique. Peu prolixe sur les causes, The Leftovers travaille davantage la caractérisation de ses personnages, n'hésitant pas à consacrer un épisode entier sur un protagoniste en particulier ou à s'adonner à un récit-choral permettant de récupérer les pièces du puzzle, mais sans jamais le compléter.
On le comprend aisément, cette série est atypique et joue bien plus sur des signes, des ressentis et des ressorts psychologiques que sur des grosses ficelles scénaristiques qui s'attachent et se détachent au gré des saisons. Si ce premier acte réserve son lot de révélations, on sent tout de même cette retenue permanente dans le déroulement de l'intrigue : The Leftovers est destinée à s'inscrire dans le long-terme, pari risqué à l'ère de l'immédiateté télévisuelle, mais force est de reconnaître que la série a tout pour le relever haut la main, grâce à des personnages profonds (accolés à des acteurs très justes), un travail d'écriture hallucinant d'habileté et une réalisation quasi-cinématographique. C'est sur toutes ces différences notoires que le dernier-né d'HBO peut creuser l'écart et s'offrir une audience de choix. Le prochain défi à relever pour Perrotta et Lindelof sera celui de la longévité, en prolongeant leur jeu de pistes sans pour autant rester trop avare en explications afin de ne pas lasser une audience impatiente. Il est bien difficile de rendre un jugement sur ce curieux nouvel objet télévisuel, tellement il est riche en contenu mais également toujours dans sa période de gestation. Cependant, c'est bel et bien la curiosité qui l'emporte sur la frustration : The Leftovers promet beaucoup et a le mérite de proposer un contenu original et qualitativement sans faille. Affaire à suivre, c'est indéniable.
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