Si on devait résumer "Vertigo" ("Sueurs froides" en version française) en un seul mot ce serait "hypnotique". Les images sont hypnotiques, la musique est hypnotique, la manière de filmer est hypnotique, avec la première utilisation au cinéma de l'effet vertigo, qui consiste à reculer la caméra tout en zoomant créant un effet de vertige - c'est donc grâce à Hitchcock qu'on retrouve cet effet partout aujourd'hui, on y fait même plus attention. L'histoire est hypnotique, Hitchcock n'est pas "le maitre du suspense" pour rien, avec dix fois rien il crée une tension insoutenable alors qu'en soit, bien que l'histoire soit belle, intéressante et riche, il n'y a pas de quoi sauter de son siège.
Pour renforcer cet effet d'hypnose notre ami Alfred -oui je l'appelle par son prénom, il m'a dit que j'avais le droit- nous manipule inconsciemment : design avec tourbillons, caméra qui tourne, chignons bouclés, répétitions de plans et de scènes à différents endroits du film, obsessions du personnage.
Le côté captivant et même envoûtant du film nous fait passer outre les effets spéciaux atrocement vieillis (le rêve de Scottie, les personnages qui chutent), les décors en carton, les quelques faux raccords, et les prestations d'acteur beaucoup trop britanniques.
Parlons aussi du personnage principal un peu douteux : non seulement il n'est pas discret, il file sans prendre beaucoup de distance ni même tenter de se cacher, mais en plus il trompe ses amis et a une relation en quelque sorte nécrophile - c'est qu'il l'aime vraiment la madame ! A la fin il change vraiment d'humeur beaucoup trop vite et fort mais ça se pardonne aussi.
Adaptée d'un roman, l'histoire commence avec du surnaturel puis bascule sur de la romance et du crime.
L'idée d'un personnage qui sort avec une femme qui lui rappelle son ex, sans savoir que c'est vraiment elle, c'est juste géniale, ça nous interroge sur les causes de l'amour et ses conséquences.
Autre idée intéressante : la clé du mystère révélée bien avant la fin, et à notre grande surprise, avant même le personnage principal.
James Stewart et Kim Novak sont deux acteurs qui font plutôt bien leur job mais le plus beau est l'alchimie qu'il y a entre eux. La scène d'amour entre les deux juste avant la fin est sans conteste sublime. La musique qui l'accompagne, très largement plagiée par Ludovic Bource dans le film "The artist", est une des plus belles partitions de Bernard Herrmann, et il faut également mentionner le thème qui introduit le film "Prelude and rooftop", thème angoissant et entêtant, repris par Lady Gaga pour introduire sa chanson "Born this way". Herrrmann porte pratiquement tout le film sur ses épaules avec ce score qui hante.
Les scènes d'introduction, de la noyade, de l'escalier, sont également des scènes d'une intensité folle, quant à la scène finale Hitchcock nous fait le coup d'une fin malheureuse et incertaine pour qu'on ait du mal à digérer le film, technique très largement répandue parmi les réalisateurs de talent,
mais ici on peut facilement interpréter ce final par l'hypothèse que Judy a cru voir Gavin, a perdu l'équilibre et est tombée, triste ironie du sort. En parlant de Gavin
c'est un méchant qui avait beaucoup de potentiel même si son interprète est fade, mais qui malheureusement a été extrêmement sous-exploité, il apparait peut-être dix minutes en tout ?
Je ne trouve pas forcément que "Vertigo" soit à la hauteur de sa réputation de meilleur film de tous les temps selon je ne sais quels magazines mais il s'agit en effet d'une d'un chef-d'oeuvre riche en terme d'art et de mise en scène pour son ambiance noire et fascinante, saupoudrée d'une très belle histoire d'amour.