Ma première impression en tant que néophyte du travail des Coen, c'est comment leurs personnages sont construits autant sur la base de leur charisme que de petits riens. La qualité des dialogues, du script et de la direction d'acteurs fera d'ailleurs vite comprendre qu'ils ont tous leur rôle à jouer : indices, symboles, ils sont l'ornement utile d'une histoire qui se faufile partout.
Je serais en mal de dire sur quoi le film porte. D'un côté, c'est une introspection d'Hollywood comme beaucoup de grands réalisateurs en feront au moins une (Full Frontal, Once Upon A Time in Hollywood…). Mais c'est aussi un thriller et une biographie fictive composée de bouts d'histoires vraies, de fragments de ces expériences que connaissent les créatifs à travers leurs caprices – des tourments inconnus des moins privilégiés. L'auteur insatisfait à cause de l'œuvre grandiose qui lui échappe, le producteur avide du rêve américain qu'il dispense à sa guise, et même le meurtrier qui assassine parce qu'il veut "aider les gens" dans sa folie, tous ont le même rêve... d'accomplir leur rêve.
Au passage, John Goodman interprète ce que je considère d'ores et déjà (pour le moment du moins) comme un des meilleurs personnages de l'histoire du cinéma. Adorable, terrifiant, sociopathe exquis, tour à tour prophète et prolétaire, son charisme indestructible sert de catalyseur et de point de convergence pour tout ce que le film (et Hollywood, son sujet) a d'abominable. C'est à travers lui que des angoisses (fictives et romancées, après tout) prennent forme : la chaleur suffocante, le meurtre, et les choses étranges qui se passent dans son hôtel, c'est le Mal, non plus fantasmé mais réel qui suinte et s'immisce dans l'existence de Fink.
Si le récit prend des tours divers, l'histoire est la même pour tous : comment atteindre les autres pour s'atteindre soi-même, et la qualité prismatique du public dans cette entreprise. Bien qu'il soit en même temps très satisfaisant à voir, le film recycle la frustration de tous ces personnages. Barton Fink, l'auteur, voulait un théâtre de l'Homme commun ; les Coen ont fait un cinéma de l'Homme exceptionnel. Mais dans les deux cas c'est pour qu'on s'y reconnaisse : alors que les protagonistes se reconnaissent entre eux, on voit que ce n'est jamais rien que la forme du cinéma, et du monde, qui nous sépare d'eux.