De toute la filmographie des Coen Brothers, "Barton Fink" est certainement le plus atypique du monde décalé des frangins. A sa présence au Festival de Cannes 1991, Roman Polanski lui decerna trois prix (aucun autre film n'en a reçu plus!) à savoir celui de la meilleure mise en scène, du meilleur acteur pour John Turturro et enfin la grande et convoitée Palme d'or. Pourtant, lorsque l'on mentionne "Barton Fink" en société (du moins dans mon entourage), le film divise. D'un côté, ceux qui aiment (en minorité) pour son univers décalé, sombre, son mélange de genres, et de l'autre ceux qui détestent (en suppériorité) pour son rythme lent et sa soit disant histoire qui ne mène à rien de même que pour ses dialogues très peu recherchés.
Il semblerait que je fasse parti de la première catégorie, ceux qui aiment. Peut-être parce que j'adore le travail des frères Coen? (mis à part "True Grit" qui m'a déçu par son approche trop conventionelle, enfin, c'est une autre histoire...) Peut-être parce que j'adore John Turturro ainsi que John Goodman? La réponse se trouve dans le travail des deux cinéastes. L'atmosphère calqué est formidable et promulgue une angoisse particulière que l'on ne peut ressentir dans aucun autre film, une ambiance unique mêlant folie, comédie, drame. Jusqu'à ce que le spectateur s'identifie entièrement au héros, il ne suit plus les aventures de Barton Fink, il devient Barton Fink ou du moins il se retrouve aussi perdu que lui dans cet hôtel glauque. Mais le plus intéressant, plus que le côté imagination, c'est l'aspect social traité, ou comment un écrivain embauché par Hollywood se laisse envahir par la peur de la page blanche jusqu'à mettre au détriment de son travail une barrière à son imagination. Un point qui semble être purement personnel vis à vis des Coen. Cette peur, mélangée à une créativité scénaristique conséquente, reflète avec les intentions du producteur. Rien que cette scène fantastique ou Fink clôt son ouvrage et le présente au patron démontre un vértiable pamphlet contre les sociétés cinématographiques qui sont ruinés créativement par l'appât du gain. Plus de place pour les artistes, juste pour les businessmen.
A cela, "Barton Fink" est un des films les plus surréalistes des Coen, mais aussi l'un de ses plus engagés, toujours avec une ferveur, une idéologie sombre qui, depuis "Sang pour sang" cohabite dans leurs longs-métrages que ce soit de façon purement humoristique ("The Big Lebowski") ou de manière cruelle ("No Country For Old Men") s'emboitant comme un puzzle, avec une logique propre.