Rien qu'à l'idée de l'enquête à trois têtes, on pense inévitablement à L.A. Confidential. Malheureusement, on ne retrouve pas ici la même énergie, la force de ce Zodiac se trouvant bien ailleurs. Angoissant, spectaculaire (mais sans doute moins que son prédécésseur), Fincher est peut-être lent sur la longueur, il est maître sur sa façon de faire. Normal que certains soient déçu par rapport à ce qui était annoncé sur le papier : ceci est un objet déroutant (derrière son apparence de production paisible, il l'est presque autant -déroutant- que les autres Fincher) mais surtout fascinant. Plus que le nouveau divertissement AOC Ruffalo/Gyllenhaal, c'est une plongée non sans style dans l'ambiance sinistre des années "terreur".
Avec sa mise en scène appuyée, il passe en revue cette enquête qui a agité l'Amérique, ne négligeant aucun détail quitte à donner une deuxième partie qui s'allonge sans pour autant qu'on veuille y mettre un terme. La sensibilité, élément souvent absent de ce type de film, est ici exploré avec virtuosité, au même titre que l'obsession et la façon dont Fincher filme ses meurtres est exemplaire. Il prend le parti (mais avait-il le choix parmi la narration à prendre) d'adopter le point de vue frustrant du dessinateur qui se fait enquêteur. Pourquoi, pour plus de clarté, n'a-t-il pas scinder son film en trois partis, chacune retraçante l'enquête de l'un des "inspecteurs"? Il y a quand même un étrange décalage entre l'objectivité qu'il tente d'imposer au spectateur et le cheminement paresseux de l'enquête, mais ne va pas jusqu'à tomber dans la monotonie. Il se calme sur les sauts périlleux de caméra (en échange de splendides plans aériens) pour se concentrer sur sa direction d'acteur afin d'obtenir une ambiance statique et des comédiens au sommet de leur art. En fin de compte un peu inégal, mais presque indispensable.