‘Civil war’ n’est pas l’énorme film de guerre attendu…ou plutôt, il est loin de n’être que cela. On y suit un quatuor de journalistes embarqués en mission pour obtenir la dernière interview du président en exercice, dont ils pressentent que sa chute est proche : Lee, reporter de guerre revenue de tout qui va pourtant atteindre son point de rupture et Jessie, débutante sensible qui va découvrir en elle une nature de charognard de l’image. Quant à Joël et Sammy, ils incarnent les archétypes de l’accro à l’adrénaline d’une joyeuse amoralité et du journaliste de la vieille école qui ne transige pas avec les valeurs humaines qui l’ont formé. On peut déceler dans ces personnages aux évolutions croisées une dénonciation de la surabondance de l’information visuelle et de l’esthétisation de la violence, auxquels il faut ajouter le constat que pour le traqueur d’image, ce qui ressort artistiquement d’une photographie vaudra toujours plus que l’objectif moral qui pourrait lui être assigné, et celui de l’étrange pulsion de mort de ces photographes, prêts à tous les risques pour figer l’instant dans l’éternité. Il y a en tout cas de quoi apporter un degré de lecture supplémentaire à un film qui saurait parfaitement assurer le spectacle sans cet élément si d’aventure on ne décelait en lui aucune ambition explicite d’exprimer quoi que ce soit…car le président qui va tomber sous les balles des rebelles une fois ses derniers partisans éliminés habite à la Maison Blanche : c’est celui d’une Amérique dans laquelle une nouvelle guerre de sécession fait rage, et dont les reporters traversent, sur une brillante bande son Americana, des paysages dévastés qui ne sont pas sans rappeler ceux de ‘Walking dead’, les zombies en moins. ‘Civil war’ partage avec la série de Frank Darabont le principe du voyage qui dévoile alternativement des communautés qui refusent obstinément de renoncer à leur mode de vie, et de zones livrées au chaos, dans lesquelles des Américains, soldats, miliciens et civils, tuent, torturent et exterminent d’autres Américains pour des divergences politiques qui ne seront jamais clairement explicitées. Inutile de préciser que ce flou idéologique, qui témoigne simplement d’une radicalisation des valeurs telle que plus aucun dialogue n’est envisageable et du retour à la sauvagerie d’une nation qui a cessé de croire au pouvoir du droit et de la loi, produit un effet saisissant à l’heure où cette vision dystopique de la société du futur semble bien prête de s’entrechoquer avec la réalité.