Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise religion. Il y a de bons et de mauvais serviteurs.
Il n’y a apparemment pas de religion qui peut se targuer d’avoir été vertueuse.
Bref, aucune religion n’a de leçon à donner ou à recevoir d'une autre.
« Apparemment » car le bouddhisme, pour certains, n’est pas considéré à proprement parlé une religion ; comme l’a écrit le Dalaï-Lama : « Le bouddhisme est athée en ce sens qu’il ne reconnaît pas un Dieu créateur (…) mais une science de l’esprit. »
Une philosophie qui fait appel à l’auto-création qui modèle un mode de vie, pacifique de préférence.
Pourtant les bouddhistes ne sont pas dispensés de reproches.
Christopher Hitchens dans son ouvrage « Dieu n’est pas grand ou comment la religion empoisonne tout » dénonçait certains prêtes bouddhistes - serviteurs loyaux de l’impérialisme - qui étaient chargés de recruter et de former des kamikazes dans les années 40 !
Où est la notion de paix, de tranquillité d’esprit propre à la philosophie bouddhiste ?
Je me rappelle aussi avoir vu un film de Kinuyo Tanaka « Mademoiselle Ogin » où elle évoquait déjà la persécution des chrétiens dans le Japon du XVIème siècle.
Avec «Silence », Martin Scorsese enfonce le clou, celui qui crucifie la chrétienté au Japon.
Catholique fervent, Martin Scorsese, très préoccupé par les religions, a cependant rendu hommage au Dalaï-Lama et au bouddhisme.
Peut-on charger le réalisateur d’avoir orienté son film ?
Oui, dans la mesure où à la fin, il fait du Père Sebastião Rodrigues (Andrew Garefield)
un fidèle à sa foi avec cette petite croix réfugiée dans ses mains avant d’être incinéré.
Lui qui avait fini par apostasier son Dieu.
Son film est assez ambigu car je ne saurai jamais si le Père Ferreira (Liam Neeson) a été jusqu’au bout sincère dans son apostasie.
L’a-t-il fait par lâcheté, par peur de la mort ?
Face à la barbarie des japonais envers ses semblables chrétiens, portugais et autochtones, il s’est rendu compte que Dieu ne répondait pas à leurs prières.
Force est de constater que Dieu est resté étrangement silencieux à leur désespoir, à leur torture !
Etait-il vraiment convaincu de sa nouvelle vie épanouissante ? Sans doute, car il a étudié une autre religion qui fait appel à "l’intérieur de soi" et qui souligne des évidences comme le silence d’un Dieu créateur, entre autres !
L’avantage avec "l’intérieur de soi", on entend, sa voix faite de réflexions, de pensées, de méditation, de faits.
Le gros désavantage avec les religions qui font appel à un Dieu créateur, c’est qu’on ne L’entend pas !
Ce genre de foi est sujette à interprétation ; le corps de la Grande Histoire avec un grand H est criblé de massacres et d’injustices. Et ce corps est encore maltraité de nos jours avec des serviteurs islamiques qui pensent avoir des contacts privilégiés avec leur dieu (minuscule à bon escient) !
Inutile d’en vouloir à Martin Scorsese ; son film «Silence» est une page de la Grande Histoire, une page ensanglantée ; mais la religion catholique a ensanglanté d’autres pages. A cette même période, des prêtres catholiques convertissaient de force des indigènes d’Amérique du Sud et Centrale.
En ce qui me concerne, je prends le film de Scorsese comme un très bon film d’aventure. Long à se mettre en place mais cela me semble nécessaire (puis c’est l’ADN du réalisateur d’exposer avec minutie l’introduction) ; le film prend son temps pour mieux ressentir le périple de ces deux jésuites convaincus de leur mission. Ressentir leur marche, le poids de la peur, de la clandestinité, du territoire, des intempéries, de l’inquisition…
Tiens « Inquisition ». Les catholiques s’en sont donné à coeur joie contre les Cathares, les Maures, les Juifs, les Protestants et autres sorcières !
Et à chaque fois, ce Dieu créateur a gardé le « Silence ».