On le répète inlassablement à chaque nouveau film de créature infernale à exorciser, et même encore plus après des trucs pas possibles comme "La Proie du Diable" ou "L'Emprise du Démon" ayant inexplicablement eu les honneurs d'une sortie sur grand écran: sans la moindre idée forte pour un tant soit peu les renouveler, par pitié, ne nous infligez plus ces espèces de foires aux clichés démoniaques, où les membres rotatifs, les lévitations et les grosses voix de possédés renversent les croix christiques des décors sous les soupirs de spectateurs désormais prêts à se noyer dans un bassin d'eau bénite pour y échapper...
Mais, peut-être parce que l'on est un peu kamikaze, et que quelques rares pépites ont réussi à se différencier de la masse, nous voilà aujourd'hui devant "L'Exorciste du Vatican" avec le vague espoir que l'addition du réalisateur Julius Avery (le sympathique "Overlord"), la caution véridique mais ici bien sûr détournée du nom de Gabriele Amorth (véritable exorciste en chef du Vatican durant 36 ans et auteur de plusieurs ouvrages sur son activité) et d'un Russell Crowe dont on espère toujours un retour tonitruant débouche sur un résultat autrement moins ordinaire que d'autres histoires de colocations corporelles humano-démoniaques.
Grâce à une séquence d'ouverture réussie, le film de Julius Avery tend à confirmer cette heureuse perspective, en pointant justement du doigt certains des pires poncifs d'une phase d'exorcisme pour asseoir les talents d'analyse de son personnage principal, prêtre auquel Russell Crowe apporte de surcroît une stature à la fois humaine et charismatique bien plus réjouissante que n'importe quelle autre figure cléricale vue dans une proposition contemporaine de cet acabit.
Bref, tout cela part plutôt bien et, si des situations plus archétypales (une famille américaine installée dans une vieille abbaye où un démon attend joyeusement de s'engouffrer dans la douleur d'un deuil non résolu) ou d'autres prêtant involontairement à sourire (le voyage improbable du père Amorth entre Vatican et Espagne sur ce qui semble être le même scooter !) viennent parfois ternir nos élans d'optimisme à l'égard du film, elles demeurent néanmoins fondues dans un ensemble solide, mené par un réalisateur qui cherche manifestement à faire la différence par la maîtrise esthétique de ses environnements, une ambiance de péril toujours plus grandissante, le caractère électron libre de son héros et quelques trouvailles résolument détonantes du tout-venant exorciste (l'idée du "double regard" notamment).
Malheureusement, en cours de route, le long-métrage de Julius Avery va se voir plus malin qu'il ne l'est et se prendre pontifiquement les pieds dans la soutane de ses prétentions. En voulant à nouveau créer sa plus grosse surprise autour des directions (et proportions) inattendues qu'il pourrait prendre, "L'Exorciste du Vatican" s'offre un virage scénaristique à l'amplitude intéressante mais sur laquelle il a clairement bien plus de mal à maintenir le cap de ses intentions de départ, l'obligeant à sombrer dans une surenchère perpétuelle pour y répondre en conséquence et, en parallèle, à réveiller les clichés qu'il avait prétendu éviter jusqu'alors.
Entre une démultiplication de traumas faciles à l'écran, de rebondissements et effets qui s'engouffrent dans la voie du grandguignolesque sans parvenir à compenser ce qu'ils perdent en intérêt ou encore le parti pris un peu gênant de revisiter le rôle de l'Église dans une de ses périodes les plus troubles (certes, au coeur d'un récit abracadabrant, mais tout de même, pousser le bouchon jusqu'à l'en dédouaner...), "L'Exorciste du Vatican" se met à en faire des caisses sans finalement réussir à répondre aux enjeux de son affrontement qu'il voudrait grandiose et inédit en son genre (alors que ce ne sont que ses modalités) et n'aboutit hélas que sur un énième sillon creusé vers une potentielle série de films que probablement pas grand monde ne réclamera... Si ce n'est pour y retrouver le personnage de Russell Crowe, constante qualitative de ce long-métrage se plaçant au-dessus de la plupart de ses récents collègues médiocres mais qui, telle la grenouille de bénitier ayant voulu se faire aussi grosse que le bœuf, explose en plein vol faute de pouvoir affirmer sa différence sur la durée.