"Jusqu’où iriez-vous pour sauver votre enfant ?" Telle est la question posée sur la jaquette DVD. Une question accrocheuse qui aurait pu servir de synopsis, certes succinct, mais suffisamment évocateur pour attirer l’attention du spectateur. Autour de cette question, le réalisateur Nick Cassavetes a pointé du doigt le fonctionnement du système de santé américain par un film résolument engagé. Autour de lui, figurent de grands noms du cinéma hollywoodien, à commencer par trois acteurs que j’affectionne particulièrement. D’abord le toujours impeccable Denzel Washington, dans un rôle qui visiblement lui tenait à cœur (c’est le cas de le dire !) de par son sujet. On aura l’occasion de mesurer à quel point il réussit à nous faire ressentir l’immense désespoir de son personnage, allant de l’angoisse à la révolte, en passant par l'incompréhension et la colère. Face à Denzel, on retrouve le toujours sympathique Robert Duvall, éternellement aussi à l’aise dans le naturel, quoiqu’on pourrait éventuellement lui reprocher une légère exagération des sentiments qui animent son personnage à travers les moues. Enfin James Woods, qui hérite du rôle campant un crack de la chirurgie cardiaque, lequel a laissé loin derrière lui le serment d’Hippocrate au profit de la renommée et de l’appât du gain (pécuniairement parlant). A ce trio sont opposés des rôles bien moins sympathiques. Ces derniers apportent leur lot de clichés au film, mais ils ont l’avantage de dénoncer clairement les injustices du système de santé américain et le profit des uns sur le malheur des autres. N’oublions pas que le réalisateur y a été lui-même confronté… Ainsi Anne Heche en exécrable Rebecca Payne étouffante d’insensiblerie, Ray Liotta en pompeux chef de police, et Shawn Hatosy en tête à claques viennent compléter un casting de rêve pour un film grave, avec un propos qui, afin de faire bouger les choses, s’est voulu émouvant, à défaut d’être bouleversant. Parce que Nick Cassavetes a beau être un grand réalisateur, il n’a jamais réussi à nous emmener profondément au pays du dégoût et de la révolte. Cela est sans doute dû au fait qu’il est parvenu à ne jamais trop donner de profondeur à ses personnages, hormis le couple. Et c’est cette subtilité que j’admire. Car le négociateur, face à une situation qu’il comprend, garde un certain détachement (et il le doit) pour faire son job au mieux ; le chef de la police est superbement décrit dans la superficialité, plus préoccupé par sa réputation et les élections que par une issue heureuse et en douceur de l’incident ; le docteur Turner est en retrait, et c’est normal (n’importe qui le serait à sa place), avec une "redescente sur Terre' brutale provoquée par l’espoir/désespoir et la détermination de John Q. La mise en scène est subtile, mais la mise en images reste somme toute très académique. Certes nous avons quelques portraits intéressants, notamment sur le rôle-titre, ainsi que sa femme (petite mention à Kimberly Elise au passage) et leur gamin dans une moindre mesure. Cette réalisation classique explique peut-être le fait qu’il manque ce petit quelque chose d’indéfinissable qui aurait pu emporter l’adhésion complète du public et en faire un très grand film, un film inoubliable. La faute peut-être aussi à une B.O. trop discrète la plupart du temps, alors qu’en d’autres moments elle se manifeste brutalement et de façon éphémère. Rien ne laissait présager cela pourtant quand on suit en intro cette BMW rouler sous les tonalités d’un "Ave Maria" aux airs d’opéra. De ce film, on retiendra surtout la prestation de Denzel Washington, et la question dont j'ai parlé à l'entame de mon avis. Dommage, le sujet méritait mieux encore, mais espérons que le message finisse par atteindre son but. Cependant, n’importe quel parent ne devrait pas rester insensible devant "John Q". C’est mon cas.