Souvenirs éparses de la fin de la présence militaire à Madagascar, L'Île rouge de par son sujet rappelle quelque peu Chocolat de Claire Denis. L'Afrique coloniale racontée à hauteur d'enfant qui ne comprend pas forcément tout, qui vit dans une sorte de bulle coupée du reste du monde.
Malheureusement Campillo ne peut pas s'empêcher de bien montrer qu'il condamne, que l'influence coloniale française sur Madagascar n'apporte rien de bon, etc et du coup on perd le regard naïf de l'enfant sur la situation. On n'est pas juste en train de rêver avec lui à se prendre pour Fantômette.
D'ailleurs le fait d'avoir fait de Fantômette une figure aussi importante du film est clairement la trouvaille du film. On ouvre carrément le film avec une séquence entière sur Fantômette, c'est gratuit, ça ne sert à rien et c'est tellement réussi. Visuellement on a quelque chose qui détonne avec le reste et qui permet immédiatement de comprendre à travers quels yeux on va suivre cette histoire. Ou plutôt cette non histoire parce qu'il n'y a pas vraiment d'intrigue, on suit une famille et le temps qui s'écoule sur cette base militaire française...
On voit donc ces femmes de militaires s'ennuyer, délaissées par leur mari, les maris boire un peu trop, faire semblant qu'ils ne fréquentent pas les bordels... Tout ça pendant que le petit garçon ne rêve que d'une chose : devenir Fantômette.
Si je crois que le choix de Fantômette vient des lectures de Campillo lui-même lorsqu'il était enfant, on peut noter que dans ce film on a le personnage principal qui s'identifie à fond à son héroïne préférée et que jamais ça n'engendre la moindre raillerie de la part de ses camarades ou de ses frangins. Disons que ça a le mérite d'être original, qu'on n'est pas dans un sentier balisé. Il adore Fantômette et c'est tout.
Tout ça est vraiment réussi, mais par moments Campillo ne peut pas s'empêche de sursignifier des choses au spectateur pour pas qu'on puisse l'accuser de complaisance et on sort un peu du regard enfantin. Alors c'est justifié dans la narration par le fait que Fantômette doit faire attention, être attentive pour voir au-delà des faux semblants, mais bon, j'ai quand même un peu de mal à croire qu'un enfant de 8 ans pige quelque chose aux aspects géopolitiques de la politique néocoloniale française à Mada...
Et c'est peut-être ce qui vient casser l'immersion du film, cette impression que par moment on doit quand même nous dire que c'est bien de manière assez frontale. Au début ça passe encore, on est à un repas, on ne sait pas encore bien quel est le contexte, on est en train de découvrir et on voit un tuyau d'arrosage qui traîne. Un employé dont on ne verra pas le visage veut le ranger et le père de famille se met à lui dire de faire ça plus tard, comme si le malgache ne devait pas gâcher la fête par sa présence.
Il y a vraiment ce côté communauté fermée et ça fonctionne bien. Mais par moments c'est encore moins subtil, notamment dans les discussions entre adultes et ça aurait pu mériter plus de finesse.
J'aime cependant bien la fin, tournée en malgache, entre personnages malgaches, où le français a disparu, ce qui permet une reprise en main du destin politique par les malgaches eux-mêmes, puisque leur gouvernement n'est plus soutenu par l'armée française, empêchant toute indépendance réelle du pays.
Si le film n'est pas parfait, il n'est reste pas moins assez beau et méritant clairement le coup d’œil.