Être en couple, c'est partager sa vie. Divorcer, c'est partager son couple. Quand cela passe par la revente de ses 85m³, c'est juste un petit drame du monde moderne, et ça signifie aussi un nouveau départ ailleurs, alors ce n'est jamais si terrible, n'est-ce pas ?
C'est ce que Zvyaguintsev remet en cause. Quand le désamour (traduction littérale du titre) s'installe dans le couple et en sépare les deux moitiés, il semble que c'est ce qu'elles demeurent : des moitiés de personnes. Les deux se sont remis en couple de leur côté, mais ils sont désenchantés. En croyant se libérer de leurs sentiments, homme comme femme s'enferment dans le reste du monde peuplé d'illusions de la classe péterbourgeoise aisée. Même séparés, les personnages ne sont encore entiers que lorsqu'ils sont ensemble.
En tant que parents, ils se retrouvent par la force des choses quand leur garçon disparaît. En effet, le film martèle avec insistance que le désamour conjugal est égoïste, car il ne cache pas que les illusions qu'on se fait, mais aussi le désamour filial : ce que le divorce partage en-dehors des évidences bureaucratiques et des soucis qu'on s'est construits, artificiels.
Comme cela vient s'ajouter à l'addiction des parents pour les écrans, Zvyaguintsev dépeint ainsi cruellement leur désintéressement pour leur enfant. Lui aussi subit un désamour, mais non par rupture : par manque pur et simple. Même la caméra le rencontre à peine. Bref, c'est l'enfant la victime, voire le seul sage de l'histoire.
Pendant que les adultes se compliquent la vie entre eux, sourds aux préoccupations de leur propre pays ou de celui d'à côté (coucou l'Ukraine), l'enfant subit, doit se taire, et n'a même plus le refuge des écrans que les parents se sont accaparé avec une promptitude ridicule. C'est lui qui, au final, même si on ne le connaît pas et qu'on le voit à peine, a raison sur tout.
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