Dans un ville comme les autres de la Russie poutinienne, un homme et une femme comme les autres se déchirent au jour le jour, comme pour être sûrs que le divorce est ce qui leur conviendra le mieux. Dans l'appartement, qu'ils veulent désormais vendre pour pouvoir partir chacun de son côté avec un nouvel amour prometteur, cet homme veule et cette femme vulgaire ignorent leur jeune fils, Aliocha qui, "faute d'amour", pleure tout seul sa peur de manquer d'essentiel. Quand Aliocha disparaît, puisqu'il le faut, chacun dans son coin, l'homme et la femme participent aux recherches, comme à regret, comme du bout de l'âme. Faut faire vite car l'hiver vient, et on sait bien qu'en Russie, le froid ça rigole pas...
On sort du film écoeuré, mais en nous décochant son direct à l'estomac Andrey Z fait oeuvre utile me semble-t-il. Dans les critiques négatives de ce film que j'ai lues ici, j'en repère une des plus intransigeantes (puisqu'elle ne met qu'une étoile) et lui concède une certaine pertinence. Elle dit que le film est complaisant dans l'étalage de l'ignominie, décidément trop plombant. C'est vrai qu'il est dur ce film, quoi que pour moi, il soit sans voyeurisme excessif ni complaisance....
Mais cette critique fait surtout à Andreï Z le reproche de se servir de séquences d'actualité télévisée sans équivoque, à la fin du film, pour prétendre que tout ce gâchis est un apanage de la Russie Poutinienne, alors que le manque d'amour est un apanage mondial. Je ne suis pas sûr que ce soit l'intention de l'auteur, mais en tous cas cet apanage est aussi français, certes, si on en croit Souchon qui chantait l'universel, dans notre pays en paix officielle :
"Toutes les guerres avec les deuils et... de l'avoir dans nos armoires !... On s'touche, on s'embrasse la bouche... mais tu vois pas qu'on s'aime pas ?"....
Il n'a pas tort dans un sens, ce critique, donc... Pourtant, je donne raison à Andrey Z qui étale le manque d'amour du début à la fin de son film comme un grand danger, caché derrière l'ordinaire, qui l'étale et l'installe comme le froid dans l'hiver qui s'avance. Il a raison Andreï Z, parce qu'il y a urgence à ouvrir les yeux, sauf à disparaître derrière l'avoir, le jouir et le d'abord-soi, sauf à s'évanouir comme un enfant perdu, comme Aliocha....
C'est sans appel, impitoyable et sans espoir au premier regard, l'âme russe et l'âme du monde sont mal en point. On a peut-être déjà franchi la ligne rouge, allez savoir. Il y a grande urgence. Il faut résister par l'amour, ne serait-ce que pour la beauté du geste, pour être des hommes encore un peu. Et donc il a raison, Andreï Zuyaquintsev.