"Le Jour des Morts-Vivants" réalisé par George A. Romero en 1985, est le troisième volet de sa célèbre trilogie sur les zombies, après "La Nuit des Morts-Vivants" (1968) et "Zombie" (1978). Ce film, bien qu'il ait rencontré un accueil mitigé à sa sortie, est aujourd'hui considéré comme un classique de l'horreur, et l'une des œuvres les plus abouties de Romero en termes de commentaire social et de traitement des personnages.
George A. Romero, souvent désigné comme le "roi des zombies", a redéfini le genre avec sa trilogie sur les morts-vivants. Dans ce film, il poursuit sa critique sociale à travers l'utilisation des zombies comme métaphore, cette fois en explorant des thèmes tels que la militarisation, la désintégration de la société, et la tension entre science et barbarie.
Romero a toujours utilisé le film de zombies comme un miroir des peurs et des conflits de son époque. Dans "La Nuit des Morts-Vivants", il abordait les tensions raciales et la guerre du Vietnam, tandis que dans "Zombie" il s'en prenait à la société de consommation. Ici, avec "Le Jour des Morts-Vivants", il se concentre sur la fin de l'humanité et sur le clivage entre ceux qui cherchent des solutions scientifiques et ceux qui optent pour la violence et l'autoritarisme.
Le film se déroule presque entièrement dans un bunker militaire souterrain, où des survivants – un mélange de scientifiques et de militaires – tentent de coexister alors que le monde extérieur est envahi par les zombies. Cette situation de confinement renforce la tension psychologique entre les personnages, et les acteurs réussissent à transmettre cette atmosphère de désespoir et de paranoïa croissante.
Lori Cardille joue le rôle de Sarah, l’un des personnages principaux et l’un des rares à conserver une certaine rationalité face à la situation. Elle incarne une femme forte, à la fois déterminée à survivre et à chercher des réponses scientifiques aux événements. Sa performance est sobre mais puissante, et elle apporte une humanité nécessaire dans un film où les rapports humains se dégradent rapidement.
Joseph Pilato, qui interprète le capitaine Rhodes, incarne l’autoritarisme militaire à l’extrême. Son personnage devient de plus en plus tyrannique et psychotique au fil du film, reflétant la fracture entre les militaires et les scientifiques. Pilato joue Rhodes avec une intensité brutale qui en fait l’un des antagonistes humains les plus mémorables de la trilogie.
Cependant, la véritable star du film est Sherman Howard, qui incarne Bub,
un zombie qui montre des signes d’intelligence et de mémoire résiduelle. Bub est la première tentative de Romero de montrer les zombies sous un jour différent, non plus comme de simples créatures assoiffées de sang, mais comme des êtres capables d’évolution. Howard parvient à insuffler une certaine sympathie à son personnage, créant ainsi l'un des zombies les plus iconiques du cinéma.
Si ce film est célèbre pour une chose, c'est bien pour ses effets spéciaux révolutionnaires réalisés par le légendaire Tom Savini, qui avait déjà travaillé d'autres films de zombies, il repousse ici les limites du gore avec des effets qui, même aujourd'hui, restent impressionnants par leur réalisme.
Il regorge de scènes de démembrement et de mutilation d'une précision graphique saisissante. Les zombies, plus décrépis que jamais, sont le fruit d’un travail minutieux de maquillage, de prothèses et d’animatronique.
Une des scènes les plus emblématiques est celle où le capitaine Rhodes se fait littéralement déchiqueter par une horde de zombies, criant "Choke on it!" (« Étouffe avec ça ! ») dans un ultime accès de rage. Ce moment est à la fois grotesque et cathartique, marquant durablement les esprits.
Savini a su créer des effets qui ne se contentent pas de choquer, mais qui participent à l'atmosphère étouffante du film. Les zombies, avec leurs corps décomposés et leurs gestes maladroits, symbolisent à la fois la menace constante et l’inéluctabilité de la mort.
Ce film est plus sombre et plus introspectif que ses prédécesseurs. Romero dépeint ici une humanité au bord de l'effondrement, où les véritables monstres ne sont pas toujours les zombies, mais souvent les survivants eux-mêmes. Les thèmes de la science face à la barbarie, de la survie à tout prix, et de la déshumanisation sont omniprésents, donnant au film une profondeur qui dépasse son aspect de simple film de genre.
Bien sûr, je finis toujours avec une scène que j'aime particulièrement :
La scène dans le laboratoire avec le scientifique, le Dr. Logan, surnommé "Frankenstein" par les militaires, est l'un des moments les plus marquants. Elle illustre non seulement les tensions entre les survivants humains, mais aussi les thématiques centrales du film.
Le Dr. Logan, incarné par Richard Liberty, est un scientifique obsédé par la compréhension des zombies. Dans le bunker souterrain où se déroule l'action, il passe son temps à disséquer des cadavres de zombies et à mener des expériences pour découvrir ce qui les motive. Mais plus que simplement chercher une solution pour éradiquer ou guérir le phénomène, Logan est fasciné par l'idée que les zombies peuvent être "rééduqués", contrôlés, voire civilisés.
Logan, au milieu de corps mutilés, montre un détachement troublant face à l'horreur qui l'entoure. Il dissèque des zombies et expose ses théories sur leur comportement avec un calme inquiétant, comme s'il avait complètement perdu de vue la réalité de la situation. Ce qui rend son personnage si fascinant, c'est la dualité entre son intelligence et la folie dans laquelle il sombre. Il justifie ses actes en les présentant comme un effort scientifique, mais il devient de plus en plus évident qu'il s'identifie davantage à ses sujets de recherche qu'à ses semblables humains.
Cette scène incarne également la vision pessimiste de George A. Romero sur la société humaine. Logan, en cherchant à comprendre et à "humaniser" les zombies, finit par se déshumaniser lui-même. Dans son obsession pour la science, il traite ses semblables avec autant de froideur qu'il en montre pour ses sujets d'étude. Il y a là une réflexion sur la perte d’humanité dans la quête de pouvoir, qu'il soit scientifique ou militaire.