Avec Spectre, Sam Mendes poursuit sa collaboration avec Daniel Craig pour une aventure de James Bond qui promettait beaucoup, mais trébuche sur l’exécution. Bien qu’il s’efforce de mêler nostalgie et ambitions narratives, le film ne parvient pas à équilibrer ses éléments disparates, résultant en une expérience plaisante par intermittence, mais frustrante dans l’ensemble.
Le film s’ouvre sur une séquence à couper le souffle au cœur de Mexico City, où un plan-séquence impressionnant plonge le spectateur au cœur de la Fête des Morts. Visuellement saisissante et techniquement impeccable, cette scène donne l'impression que Spectre va captiver d’un bout à l’autre. Malheureusement, cette promesse initiale s'effrite rapidement, car le rythme du film s'effondre sous le poids d'une intrigue surchargée et de transitions maladroites.
Spectre tente de lier tous les films précédents de l'ère Craig dans une toile complexe, mais cette tentative s'avère plus confuse qu'élégante. L’idée d’un fil rouge reliant Le Chiffre, Silva, et Dominic Greene à une seule organisation aurait pu fonctionner, mais le résultat semble artificiel, comme si les pièces avaient été forcées de s'emboîter. Le méchant central, Franz Oberhauser, qui se révèle être Blofeld, est introduit avec beaucoup de fanfare, mais son lien personnel avec Bond manque de profondeur et s’avère inutilement alambiqué.
La sous-intrigue sur la surveillance mondiale à travers le programme "Nine Eyes" est pertinente dans le contexte actuel, mais elle n’est qu’effleurée, sacrifiée sur l’autel des séquences d’action et des dialogues explicatifs. Le potentiel pour une réflexion subtile sur le pouvoir et le contrôle est gaspillé, laissant une sensation de superficialité.
Daniel Craig incarne un James Bond fatigué, presque usé, et bien que sa performance reste solide, elle n’a pas l’éclat ou l’intensité émotionnelle de ses précédentes interprétations. Christoph Waltz, un acteur reconnu pour sa capacité à insuffler de la menace et de la complexité à ses rôles, est étonnamment sous-utilisé. Son Blofeld manque d’impact, réduit à un cliché de méchant machiavélique sans véritable charisme.
Léa Seydoux, en tant que Madeleine Swann, est une Bond girl qui avait le potentiel d’apporter de la profondeur émotionnelle, mais son personnage est introduit de manière précipitée. La relation entre Swann et Bond évolue trop rapidement pour être crédible. Monica Bellucci, quant à elle, est reléguée à une apparition fugace, bien que sa présence ait suscité de grandes attentes.
Spectre offre une série de scènes d’action grandioses, mais elles manquent souvent de la tension nécessaire pour captiver. La poursuite en voiture à Rome, bien qu’esthétiquement superbe, semble manquer de véritable danger ou d’enjeu dramatique. De même, le combat dans le train avec Hinx, joué par Dave Bautista, rappelle les confrontations classiques de la franchise, mais se termine de manière prévisible et sans grande satisfaction.
Chaque séquence d’action semble calibrée pour impressionner visuellement, mais elles manquent d’émotion ou de nouveauté, ce qui les rend mécaniques et oubliables.
Le film est une réussite visuelle. La direction artistique est sublime, avec des décors somptueux allant des Alpes enneigées au désert marocain. Le travail de Hoyte van Hoytema, le directeur de la photographie, est irréprochable, et chaque plan est digne d'une carte postale. Cependant, cette perfection visuelle finit par souligner le manque d'émotion et de substance narrative.
La bande originale de Thomas Newman accompagne bien l’action, mais elle ne parvient pas à capturer l'essence de l'univers Bond comme l’avait fait la partition mémorable de Skyfall.
"Writing's on the Wall" de Sam Smith divise les opinions. Si elle marque une tentative de s'écarter des standards habituels des chansons de Bond, elle manque de l’énergie et du panache que l’on attend d’un tel morceau. Bien qu’elle ait remporté des récompenses prestigieuses, elle reflète le film dans son ensemble : techniquement réussie, mais dépourvue d’âme.
Spectre avait tout pour devenir un classique moderne de la saga James Bond, mais il se perd dans ses propres ambitions. L’histoire est trop dispersée pour maintenir l’engagement du spectateur, et les personnages, bien que prometteurs sur le papier, sont mal servis par un scénario qui peine à équilibrer le drame, l’action et les enjeux émotionnels.
Ce film n’est ni un désastre, ni une réussite éclatante. C’est une aventure inégale qui oscille entre moments brillants et décisions créatives maladroites. Spectre rappelle que même un héros aussi charismatique que James Bond peut trébucher lorsqu’il porte un fardeau trop lourd. Un épisode qui divertit par intermittence, mais qui échoue à laisser une impression durable.