Trois ans après « Skyfall » (2015), Sam Mendes rempile pour les vingt quatrièmes aventures de l’agent le plus célèbre du cinéma : il s’appelle Bond, James Bond. Son nom, associé au Walther PPK, à la vodka martini, aux femmes, à sa débrouillardise…, nous dit à quel spectacle nous avons droit. Un divertissement sans aucun doute. Super !
Ce qui m’amène à parler du synopsis. A l’heure de la nanotechnologie, le MI-6 est prêt à plonger à cause d’un massacre-exploit expédié par James Bond à Mexico. En partant de rien, 007 va prouver que son attaque mexicaine et que l’entité qui cherche à prendre le contrôle total du MI-6 n’est autre que l’organisation criminelle Spectre. Une fois le scénario écrit, des pirates s’en sont emparés, ce qui a valu aux scénaristes de réinventer une partie de l’histoire. Bigre ! A la barre, le trio déjà présent pour « Skyfall », soit John Logan, Neal Purvis et Robert Wade aidé pour le coup par un jeune loup, Jez Butterworth (« Edge of tomorrow » et « Nadia » -avec Nicole Kidman-, c’est lui !). Et ici, les scénaristes (le quatuor, donc !) s’attèlent à remodeler les bases de tous les James Bond, à savoir les personnages, tous très bien troussés. On a ainsi M (incarné par un Ralph Fiennes très très moyen pourtant habitué à beaucoup mieux : « La liste de Schindler », « Le patient anglais », « The constant gardener »…) qui tient un flingue pour la première fois ! ; Q (Ben Whishaw, à l’aube d’une carrière naissante (« Le parfum », « Cloud atlas »), remplace aisément le vétéran Desmond Llewelyn lui-même éjecté par le Monty Python John Cleese au cours des différentes missions) -au service non pas de Sa Majesté mais bien de James Bond- qui joue les informaticiens de génie et débloque les codes analytiques les plus complexes ; et Monnepeney (Naomie Harris –révélée par Danny Boyle en 2003 dans « 28 jours plus tard »-, convaincante à souhait) qui s’engage dans le maintien de la mission de 007 sans l’accord de M. Bigre !
En parlant casting, comment éviter Daniel Craig qui incarne James Bond pour la quatrième fois, tout autant que Pierce Brosnan ? Costume impeccable aidant, James Craig, pas encore Commandeur, nous fait part d’une classe indéniable. Non pas qu’il soit charismatique, mais Daniel Craig apporte ici toute la légèreté de son personnage. Egalement fouillé par les scénaristes, James Bond s’attaque à son pire ennemi, lui aussi très bien travaillé, l’allemand Christoph Waltz (« Django unchained », « Carnage » de Polanski) apportant toute sa désinvolture et sa sagacité, mais pas l’esbroufe que Tarantino avait décelé en lui. Dommage, même si Waltz peut se targuer d’avoir endossé le rôle de méchant dans un James Bond. Et qui dit James Bond, dit James Bond girls. Léa Seydoux (« Minuit à paris », « La vie d’Adèle »…), inexpressive au possible, laisse la place à Monica « Cléopâtre » Bellucci qui n’apparaît au final que cinq minutes à l’écran. Toujours aussi éclatante et séduisante, elle impose sa carrure, sa classe… à l’italienne bien sûr !
« Spectre », comme tout James Bond qui se respecte, est un cocktail d’aventures, d’explosions, de corps-à-corps, de courses-poursuites (désormais réglées par Gary Powell depuis l’ère Craig, l’équipe Julienne –cocorico !!- s’en étant occupée entre « Rien que pour vos yeux » et « Goldeneye ») toutes plus ahurissantes les unes que les autres, de voyage à travers le monde (on traverse Mexico, Tanger, l’Afrique du Sud, les Alpes autrichiennes…), de belles filles (merci Madame Cassel !), sans oublier son adorable Aston Martin.
D’ailleurs, en parlant voitures, la course-poursuite dans Rome est extraordinairement bien filmée. Bravo Monsieur Mendes ! D’un côté, une Jaguar XKR rouge, de l’autre, une Aston Martin DB10 grisonnante. La classe !
Et pour décrypter la mise en scène de « Spectre », je me dois de nommer Sam Mendes. On connaît tous le style de Sam pour son côté racé. « Les sentiers de la perdition » et « Skyfall » peuvent en témoigner. Ce qu’il a mené à la perfection est arrivé ici à son point d’orgue. Certes, il conjugue action et style avec minutie, mais en aucun cas l’artiste Mendes ne doit délaisser l’histoire au détriment de la plastique de son film. Oui, on peut souligner les très beaux travaux de Hoyte Van Hoytema (le directeur photo de « Morse » (2009) et « Interstellar », c’est lui !!) et Thomas Newman (son compositeur-collaborateur attitré depuis « American beauty »), mais en aucun cas un James Bond ne s’apparente à un tableau de Van Gogh. Un James Bond est avant tout un divertissement dans lequel tous les défourraillages et explosions sont possibles. A l’image de la séquence d’introduction avec l’hélicoptère, bigrement bien orchestrée. Décorateurs, maquilleurs, coiffeurs… se sont mis en quatre pour restituer l’ambiance de la fête des morts de Mexico. Excellentissime !! Il s’agit d’ailleurs de la plus longue séquence d’intro des James Bond. Très beau travail Monsieur Mendes.
Le réalisateur de « Jarhead, la fin de l’innocence » » en profite aussi pour transmettre le patrimoine génétique des James Bond. Les références affluent. En regardant pour la première fois l’Aston Martin DB10, comment ne pas reconnaître la musique de John Barry qui a été synchronisée en post-production par Thomas Newman ou Sam Mendes ? Concernant la mise en scène, lorsque Bond arrive dans l’antre du Spectre (avec les jeux lumineux de Hoyte Van Hoytema), comment ne pas faire la similitude avec la fameuse première scène de « Opération tonnerre » pendant laquelle tous les agents secrets sont installés à leurs fauteuils ? Et pourquoi penser à « On ne vit que deux fois » lorsqu’on aperçoit le balafré Waltz ? Tout cela fait que Mendes fait de l’ancien du moderne.
Pour conclure, « Spectre » (2015) est un James Bond moderne stylisé dans lequel la psychologie des personnages est travaillée à merveille. Portant les stigmates bondiennes de la Guerre Froide, « Spectre » ne se démarque pas assez de son prédécesseur « Skyfall » qui s’était terminé sur les chapeaux de roue. Tant que le roi Mendes reste assis sur son siège, Daniel Craig ne sera jamais Commandeur.
Spectatrices, connaissez vous vraiment James Bond ?
Pour les 7 à 77 ans. 2 étoiles sur 4.