"More human than humans."
Le talent de Denis Villeneuve est d'être capable d'imprimer une oeuvre culte de sa propre patte tout en multipliant les hommages à l'original de manière flagrante (une société qui n'a globalement pas évolué) et subtile, dans de tous petits détails ainsi qu'à d'autres oeuvres phares de l'histoire cinématographique et littéraire (notamment la quête désespérément solitaire d'identité et de sens de K, à l'instar des personnages de Kafka, quelque part entre le Château et le Procès). De la même façon, se mélangent harmonieusement, et c'est une prouesse, les technologies les plus récentes en matière d'effets spéciaux dans un style sombre et épuré et le rétrofuturisme d'origine surchargé d'élément kitsch, massifs et parfois criards. Il en va de même pour la musique, cosignée Benjamin Wallfisch (spécialisé dans le cinéma d'horreur) et Hans Zimmer (qu'on ne présente plus), résolument moderne tout en reprenant parfois quelques accents aux synthétiseurs de Vangelis.
Visuellement, il faut saluer le talent de Villeneuve mais aussi celui de Roger Deakins à la photographie, fidèle des frères Coen et de Sam Mendes et déjà présent sur Prisoners (2013) et Sicario (2015). Sur la plan de l'interprétation, c'est particulièrement froid, ce qui se tient dans une société déshumanisée où les réplicants se montrent parfois plus sensibles que leurs créateurs et propriétaires, thème central de cette suite. Là encore, Villeneuve a du génie à tirer le meilleur de ses acteurices.
Contrairement au film de Ridley Scott (1984), qui joue sur l'énigme, on sait ici d'entrée que le héros au nom incertain est à la fois Blade Runner et réplicant, subissant le racisme des uns et obéissant aveuglément aux ordres des autres. Le jeu monotonal et un peu fade de Ryan Gosling s'y prête à merveille et c'est, là encore, une prouesse que de le faire jouer juste. Robin Wright est pareille à elle-même, moyenne mais également convaincante en cheffe de police intraitable. David Bautista n'apparaît que trop peu, Jared Letho est inquiétant, Ana de Armas illumine la toile au fil de sa métamorphose et toute une galerie d'interprètes bigarrés se partage le reste d'une distribution riche et éclectique. Enfin Harrison Ford ne pouvait pas manquer un come back de poids comme il le fit dans le premier volet de la troisième trilogie Star Wars (Le Réveil de la Force, J.J. Abrams, 2015) ou dans le dernier opus des aventures d'Indiana Jones (et le Cadran de la Destinée, James Mangold, 2023), célébrant ainsi ses trois personnages les plus emblématiques des années '70/'80.
Le scénario enfin, coécrit par Hampton Fancher (co-auteur du premier opus) et Michael Green (trilogie Hercule Poirot de Kenneth Branagh), se laisse apprécier sans trop gratter le cerveau, comme une sorte de sucrerie intellectuelle et philosophique
, presque prévisible, jusqu'à ce qu'on comprenne qu'on nous l'a insidieusement retourné
.
Masterpiece.