"12 Years a Slave", réalisé par Steve McQueen, est un drame historique d'une puissance indéniable, mais il laisse aussi une impression mitigée qui empêche de le qualifier de chef-d'œuvre incontesté. Adapté des mémoires de Solomon Northup, le film dépeint avec une brutalité sans compromis les horreurs de l'esclavage aux États-Unis. Chiwetel Ejiofor incarne Northup avec une intensité et une profondeur remarquables, rendant palpable la souffrance de cet homme libre arraché à sa famille et réduit en esclavage.
L'une des forces du film réside dans sa capacité à plonger le spectateur dans l'univers impitoyable des plantations de coton. La cinématographie de Sean Bobbitt est sublime, capturant la beauté paradoxale des paysages du Sud américain tout en exposant la laideur morale du système esclavagiste. La scène de la pendaison de Northup, maintenue pendant une durée insoutenable, est particulièrement marquante et illustre l'horreur quotidienne endurée par les esclaves.
Cependant, malgré ces moments de pure puissance visuelle et émotionnelle, "12 Years a Slave" souffre de quelques faiblesses. Le personnage de Michael Fassbender, Edwin Epps, bien que terrifiant, tombe parfois dans la caricature. Son sadisme est dépeint de manière si extrême qu'il en devient presque un méchant de film d'horreur, perdant ainsi un peu de sa crédibilité. De même, le personnage de Brad Pitt, Samuel Bass, semble trop idéaliste et lisse, servant plus de faire-valoir moral que de véritable protagoniste.
Lupita Nyong'o, dans le rôle de Patsey, livre une performance bouleversante, mais son personnage, bien que central, aurait pu bénéficier d'un développement plus nuancé. La relation entre Patsey et Epps, ainsi que la jalousie maladive de Mary Epps (interprétée par Sarah Paulson), est traitée de manière quelque peu simpliste, manquant de la complexité humaine qui aurait pu rendre ces interactions encore plus poignantes.
Le film est également critiquable pour sa tendance à esthétiser la violence. Steve McQueen, venant du monde de l'art contemporain, apporte une dimension visuelle sophistiquée qui, bien que magnifique, peut parfois sembler déplacée face à la gravité du sujet. Cette approche artistique crée une distance émotionnelle qui empêche parfois le spectateur de se connecter pleinement avec la souffrance des personnages.
En conclusion, "12 Years a Slave" est un film important et nécessaire, offrant un regard intransigeant sur l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire américaine. Cependant, il n'atteint pas tout à fait la grandeur qu'il aurait pu, en raison de certaines faiblesses narratives et de choix stylistiques discutables. Il reste néanmoins une œuvre majeure qui mérite d'être vue et discutée, mais avec un regard critique sur ses imperfections.