Le slasher avait fait son temps, à force de concepts doucereusement anachroniques et de clichés que les spectateurs ont depuis longtemps intégrés. Une décennie, c'est à peu près l'exploitation maximale d'un genre avant qu'il devienne ringard. Le dérivé du cinéma horrifique a donc pleinement utilisé ce temps, entre Black Christmas en 1974 jusqu'aux Griffes de la nuit dix ans plus tard. Merci et bonne nuit ? Ce serait oublier que les modes vont et reviennent quand on sait leur redonner de belles couleurs. En 1996, devinez qui renaît de ses cendres ?
Scream, c'est l'équation parfaite entre ressors connus, terreur domestique et ironie post-moderne. Comme nous, le scénariste Kevin Williamson a vu les classiques. Plutôt que de le nier, il va au contraire s'appuyer dessus pour nous piéger. S'il n'est pas évident de dater l'émergence d'une communauté geek, la fin des années 90 est assurément un moment charnière, les vidéoclubs devenant des mausolées pour cinévores et les soirées télé en famille le week-end un moment privilégié pour plusieurs générations. Williamson propulse donc une brassée de personnages parfaitement nourris de cette culture (Randy par exemple). Cet aspect aurait pu faire tapisserie, il est à l'inverse fondamental puisque Wes Craven s'en sert pour livrer une satire méta et gore d'un genre qu'il a bien essaimé lui-même. Le script n'hésite pas à glisser quelques piques ici ou là, pour notre plus grand plaisir.
L'autre atout de Scream, c'est sa troupe de comédiens dans l'air du temps, l'excellente Neve Campbell échappée de La Vie à 5, Courteney Cox extirpée de Friends jusqu'à Drew Barrymore. De nouveaux visages émergent, le troublant Skeet Ulrich au pétillant Jamie Kennedy, sans oublier le parfait David Arquette ou l'énergique Matthew Lillard. Les membres du casting auront des carrières différentes, pour le meilleur et pour le pire, mais ils seront toujours ramenés au film séminal de Wes Craven. Difficile de s'en étonner, le long-métrage réussissant un parfait numéro d'équilibriste entre ironie cruelle, suspense au cordeau, sursauts en pagaille et gerbes de sang. Avec un soin presque sadique, l'histoire et la mise en scène égrènent indices et fausses-pistes juste histoire d'embrouiller son spectateur avant le bouquet final, aussi violent que rusé.
Sans prévenir, le slasher exulte dans une forme hybride et insolente, parfaitement en symbiose avec sa génération tout en posant les balises que d'autres s'évertueraient à suivre (Souviens-toi l'été dernier, Urban Legend, The Faculty et tant d'autres). Le cocktail d'horreur et d'humour noir fera de nombreux émules, sans jamais être égalé de quelque manière que ce soit puisque ses héritiers ne feront qu'en reproduire la formule au lieu de la remanier. En bref, Scream s'est aisément hissé au rang des meilleurs films d'épouvante, et il y a de quoi. Il résiste très bien à l'épreuve du temps.