Négligeant les ressources des ténèbres et du hors-champ, le film retarde inutilement le dévoilement d’un monstre grotesque qui fait peine à voir. Dépourvu de toute idée de mise en scène, il déroule péniblement son effarant programme : transformer Germinal en un tour de train fantôme.
Reste que ce film, trop linéaire, peine à trouver sa forme et tient essentiellement de la chronique bienveillante d’une amitié entre deux passionnés de l’histoire de l’art.
Le récit fait vivre des figures hautes en couleur – jusqu’à confier le rôle de la grand-mère à Jean Benguigui ! –, parmi lesquelles l’alter ego du cinéaste, le petit Antoine, semble curieusement dépourvu de relief. Cet effacement indique la primauté du collectif sur l’individuel, qui motive en même temps qu’il affaiblit considérablement le film.
La judicieuse idée du film consiste à découpler l’image et le son et à éviter l’automatisme du témoignage face caméra qui plombe de nombreux documentaires. (...) Mais le film montre progressivement sa faiblesse : sur une heure quarante, le dispositif formel n’arrive pas à éviter une certaine monotonie.
Rafiki Fariala filme ses proches avec lesquels il a partagé son quotidien, pendant près de trois ans. Cette complicité d’un petit cercle confère une spontanéité, voire une certaine légèreté de situation, le spectateur se retrouvant plongé au milieu d’une jeunesse qui vit, aime et doute.
Rien de très original, mais How to Have Sex, premier long-métrage de la Britannique Molly Manning Walker, récompensé du prix Un certain regard à Cannes, réussit une plongée quasi ethnographique dans un monde étrangement formaté (très hétérocentré) de la fête à échelle industrielle.
Ce papillonnement narratif donnerait presque à l’ensemble des airs de sitcom marseillaise. Et la fête continue ! n’en est pas encore là et compte de beaux moments de grâce. Toutefois, la chronique s’accommode mal du didactisme revendiqué du réalisateur.
Et cependant l’enquête avance, qui révèle un traumatisme de jeunesse lors d’un séjour chez l’écrivain espagnol Juan Goytisolo, au Maroc, et une sorte de malédiction transgénérationnelle de mère à fille, que Mona Achache entend, avec ce film, enfin lever. On voudrait y croire si la complexité et la distanciation du dispositif qu’elle met en place pour y parvenir ne donnaient, aussi bien, l’impression d’une effusion généralisée.
The Killer est un objet mat, qui fonctionne rondement, mais qui passe son temps à se le prouver, d’où l’omniprésence d’ustensiles électroniques, de signaux, d’émetteurs et de récepteurs, le tout ressemblant à un grand test de matériel.
Pour le reste, la réalisatrice Nia DaCosta semble s’en tenir au cahier des charges. Guère plus ni moins. A l’image des actrices et des acteurs qui prêtent leur corps plus que leur talent au rôle qui leur est attribué. Difficile de faire mieux quand toutes les répliques visent essentiellement à expliquer de quoi il en retourne.
Tout cela est bien pauvre, quand on sait ce que la table et les repas ont pu produire comme chefs-d’œuvre au cinéma – La Grande Bouffe (1973), de Marco Ferreri, entre autres.
Alors que la situation reste très tendue – la guerre entre l’armée et les paramilitaires des FSR a fait près de 10 000 morts depuis avril –, il faut saluer l’effort de Kordofani d’œuvrer dans un pays qui n’a pas d’industrie cinématographique. Mais ce récit de rédemption reste trop prévisible pour nous tenir en haleine deux heures durant.
Sur une ligne qui conjoindrait le mythique Donnie Darko (2001), de Richard Kelly, à la série Stranger Things (2016), Emma Tammi envoie des signes ambitieux, que son film, mal ficelé, peine hélas à vérifier.
On serait en droit d’attendre du cinéma moins un bréviaire idéologique qu’un humanisme de combat, propre à montrer que le désir de destruction mutuelle met face à face les deux fossoyeurs historiques – le Hamas et la droite israélienne – de cette paix miraculeuse à laquelle avaient rêvé ensemble ces deux implacables ennemis que furent Yitzhak Rabin et Yasser Arafat.
Il en ressort des scènes brutes de décoffrage, captant l’expression triviale d’un désarroi profond, d’un bref réconfort, d’une sourde angoisse, d’une immense fatigue, sans que le souci de la caméra l’emporte une seconde.
Ce film, qui ambitionne de raconter cette histoire, a pour particularité d’avoir été réalisé à l’initiative d’un collectif de syndicalistes de France Télécom. Il s’y agit essentiellement de faire partager, dans un document de forme classique confié à un homme de métier (le réalisateur Jean-Pierre Bloc), une expérience collective, ce en quoi le film remplit d’ailleurs très honnêtement sa mission.
Une bonne part de l’ironie de ce film tient à l’abîme qui semble séparer l’industrie du cinéma coréen de cette époque et l’ambition d’art qui anime son tumultueux protagoniste, joué par le génie polymorphe Song Kang-ho.