Pour moi le chef-d'œuvre de Lynch (ce qui n'est pas peu dire pour un fan du maître) et parmi les plus grands du septième art, tous genres confondus. Pas une année sans un re-visionnage en bonne et due forme depuis sa sortie.
Le long métrage peut se scinder en 4 parties:
Après un générique et une introduction magistrales (accompagnés d'une des plus belles partitions de l'histoire de la bande originale par le regretté Angelo Badalamenti), un premier segment nous emmène à Deer Meadow, petite bourgade à priori sans histoire dans l'état de Washington, suivre l'agent spécial Chet Desmond (Chris Isaak) et son légiste - un peu lunaire mais efficace - Sam Stanley (Kiefer Sutherland) qui enquêtent sur le meurtre de Teresa Banks à la demande expresse de leur boss Gordon Cole (Lynch himself). Le fait de voir les fédéraux s'impliquer dans cette affaire n'est pas du tout au goût des autorités locales... Cette première partie, de près de 3/4 d'heure dans sa version intégrale (37 minutes lors de la sortie cinéma et la plupart des éditions) mêle intrigue, humour et absurde (qu'on pourrait tout autant qualifier d'ésotérisme) dans la veine de la série (Mention spéciale pour Harry Dean Stanton, toujours grand en proprio de camping azimuté au café).
Une seconde partie, dans les bureaux du FBI à Portland ou les choses se corsent à l'annonce de la
disparition de l'agent Desmond
, et la réapparition fugace de l'agent Phillip Jeffries (David Bowie, hallucinant) après des années, et lui-même disparu durant son enquête sur une certaine Judy, victime similaire a Teresa, dans une scène assez mystique (Jürgen Prochnow y laissera son empreinte). La transition se fait par le biais du fameux Dale Cooper (Kyle MacLachlan), il pressent que les deux affaires sont liées et que le meurtrier frappera de nouveau très prochaînement...
Ouverture avec le thème de Laura, fameux générique de la série TV, sur une Laura Palmer (Sheryl Lee) tout à fait vivante (vive les affiches promo sous-titrant "les (7) derniers jours de Laura Palmer", paie ton spoiler). Cette troisième partie nous montre le quotidien de Laura et son entourage proche (une partie raisonnable du cast de la série donc, avec une "petite" exception - Donna est jouée par Moira Kelly - mais j'approuve trouvant le jeu de Lara Flynn Boyle plutôt moyen), ses joies, ses peines, ses attentes, ses doutes - ses "peurs" refoulées, sa descente aux enfers... On s'attache vraiment au personnage, lui qui n'est qu'effleuré dans la série, et ceci explique beaucoup de choses quant à l'amour souvent passionnel que lui porte une bonne partie des protagonistes de Twin Peaks. Les cadrages sont léchés, les plans expressifs et même extatiques avec des mises en abîme inventives. Dans certains passages on se croirait carrément dans le film: par le traitement du son (dans la boîte ou l'on entend à peine voir pas les dialogues couvert par la musique, qui tue, la musique - un blues bien dark par David himself), les jeux de lumière (gare aux personnes pouvant être sujettes à des crises d'épilepsie), des idées, des idées et encore des idées... et la tension ne fait que monter (certes, il y a des passages contemplatifs, mais aux moments opportuns, des choses qu'on comprend au cinquième visionnage... c'est du Lynch, c'est profond, c'est tout bon).
Enfin, la dernière nuit: la chute, la mort, la rédemption. Jamais meurtre n'a été filmé d'aussi belle manière, on sent la violence, on ne la voit pas. On voit la compassion et l'amour que Lynch porte à son personnage de Laura. Une "simple" histoire de drogue, de sexe, de viol, de démence, dans un écrin de beauté fantastique (musique en tête).
Ce film, quand on l'apprécie (il est dur, sombre, brutal, faut pouvoir supporter et le sujet en lui-même est difficile) vous marque à vie, bien plus que la série... d'ailleurs ça va faire un an là ?!? non ;)