Days of Heaven tient de la célébration religieuse du monde qui saisit l’homme comme s’il venait d’être chassé du Jardin d’Eden et qu’il aspirait à y retourner ou à le retrouver, sur Terre cette fois, en faisant ce à quoi Dieu l’a condamné : travailler. Le long métrage recourt à de nombreuses paraboles et images bibliques, depuis ce couple qui se présente comme frère et sœur jusqu’aux diverses marches sur l’eau, en passant par les références à l’Apocalypse qui s’incarneront lors de la séquence de l’incendie. La caméra mobile de Terrence Malick, d’une fluidité remarquable, articule la posture de témoin avec une poésie de chaque instant ; elle confond deux focalisations, celle, interne, d’un regard à même le sol qui se place à l’échelle des personnages et les suit dans leurs déambulations au rythme des saisons ; celle, omnisciente, d’un mage romantique qui capte l’harmonie entre nature et culture, puisqu’une rivalité masculine conduira à son ébranlement.
Car si complexité il y a dans l’écriture du long métrage, elle réside moins dans son scénario que dans la caractérisation des protagonistes : le propriétaire terrien, destiné à une disparition prochaine, fait preuve d’humanisme et ouvre son cœur à une simple saisonnière ; le frère demeure mystérieux et peu attachant du début à la fin, ses velléités libertaires restent opaques, inaccessibles parce que peu ou pas verbalisées. La voix off, celle de la petite fille, accentue la distance avec eux, tout en offrant un troisième et dernier point de vue, interne. Elle se conjugue merveilleusement bien, par ses approximations et son naturel dus au milieu social et au jeune âge, au regard porté par Malick sur le microcosme investi, très proche par ses visions de photographes de la Grande Dépression tels que Dorothea Lange ou Walker Evans. La partition musicale d’Ennio Morricone, qui reprend Camille Saint-Saëns et son « Carnaval des animaux », confère aux images un langage sacré, doublé par celui de la photographie somptueuse. Un chef-d’œuvre.