Lincoln est un film passionnant de bout en bout. Difficile d'accès sans doute, car dénué de pitreries sans profondeur ou d' effets de manche voyants , il demande un peu de concentration, et surtout il montre à quel point Spielberg maitrise sur le bout des doigts la grammaire cinématographique, et ajoute à chaque nouveau film une pierre à son édifice.
Le métrage se recentre sur un moment très bref de l'histoire américaine, (l'adoption du 13eme amendement de la constitution abolissant l'esclavage, à la toute fin de la guerre de sécession) tout en situant ce moment particulier, mais essentiel dans un contexte historique bien plus large, passé, et bien sûr à venir, au travers des propos de ses personnages.
Spielberg réussit un suspense politique de haute volée, dans une reconstitution d'époque qui donne le tournis tant tout paraît authentique. Il s'entoure d'un casting en or, et réussit le tour de force de rendre intéressants tous les rôles. Daniel Day Lewis délivre une prestation bluffante à la hauteur de sa réputation de caméléon, mais les partitions des autres acteurs sont tout aussi fortes et d'ailleurs il ne les éclipse pas.
Cependant l'essentiel du film se situe dans son propos, dense et grave, illustrant le tour de force politique d'un homme en avance sur son temps, conscient de l'importance de saisir un moment unique dans l'histoire, déterminé à changer le cours des choses, ayant recours à la tricherie la plus basse pour servir une cause qu'il estime supérieure à son propre destin politique : L'abolition de l'esclavage.
Le montage est tous simplement parfait. La photographie sublime. Même si elle n'est évoquée qu'au travers de courtes scènes à la puissance d'évocation extraordinaire
(la scène de bataille dans la boue rendant tous les belligérants gris, la scène de la brouette et du charnier, la séquence sur le champ de bataille jonché de cadavres, se terminant sur un plan du drapeau confédéré, voilé un instant par le passage du drapeau de l'union)
la guerre est bien présente et hante le film de bout en bout (d'ailleurs, Spielberg n'a plus rien à prouver en matière de film de guerre)
Lincoln est une des facettes de l’œuvre d'un cinéaste arrivé à maturité, au sommet de son talent, s'inscrivant dans la grande lignée des auteurs classiques du cinéma, et de l'art, tout simplement.