Le film commence en nous expliquant que depuis plusieurs années déjà la guerre fait rage entre le Nord qui veut abolir l'esclavage et le Sud qui s'y refuse. Déjà, là on tique un peu, même moi qui n'y connaît pas grand chose sur l'histoire américaine je ne suis pas naïve au point de croire que la guerre civile a éclaté a cause de l'esclavage, quand il ne fait aucun doute que les nordistes étaient tout aussi racistes que les sudistes (d'ailleurs le film le montre bien). Ils ont décidé d'orienter le film uniquement sur ce point, important et historique je ne le nie pas, et de passer les autres arguments sous silence, soit c'est un choix; à la limite ça ne me gêne pas (on évoque vite fait en passant une question d'économie mais on ne s'y arrête pas). On nous explique bien quand même un peu que le racisme et l'esclavage c'est pas très gentil mais je trouve que c'est plus nuancé que ça aurait pu être, on a toute une palanquée de personnage un peu ambigus, des questions d'ordre purement pratique sont soulevées (libérer les esclaves c'est bien gentil, mais après on en fait quoi?), il y a aussi le dilemme entre la fin de la guerre et l'abolition de l'esclavage qui se dessine. Là où je suis assez déçue c'est qu'il y avait une réflexion intéressante à développer sur la question de la fin qui justifie les moyens et qu'il sont complètement passés à côté: aucun doute n'est permis ici, oui la fin justifie les moyens. Et puisqu'on parle de gros sabots, un élément qui m'a vraiment déplu c'est la musique. Je ne crois pas avoir déjà été aussi choquée par le manque de subtilité d'une bande-son, ils auraient fait défiler un message sur le bas de l'écran, écrit en rouge vif, caractère gras nous indiquant à quel moment on est sensé être heureux, triste, inspiré, etc, ça aurait eu le même effet! L'autre gros point noir du film c'est le personnage de Jésus-Lincoln lui-même: je n'y crois pas une seconde. Je sais qu'on dresse le portrait d'un homme d'exception, mais là c'est trop, il est trop parfait, trop sage, trop grand, quand il parle on a l'impression qu'il est constamment en discours officiel, même en privé avec sa famille ou ses proches conseillers. Et l'interprétation de Daniel Day Lewis me paraît trop caricaturale et jure horriblement avec les performances des autres (ou alors c'est qu'il est tellement supérieur qu'il détonne au milieu de tant de médiocrité). Cependant, le film a aussi quelques points positifs. Tout d'abord la réalisation, c'est très beau et très puissant, certains plans pourraient même être peints tant ils sont esthétiques. La fin également est très intelligente puisqu'elle déjoue habilement nos attentes morbides. Enfin, il faut quand même noter que le film dure 2h30 et qu'au niveau du rythme ça ne flanche pas, je ne me suis pas ennuyée malgré un sujet pas forcément très glamour; de plus j'apprécie énormément que Spielberg ne soit pas tombé dans la facilité en nous abreuvant de scènes de bataille, histoire de muscler un peu son film (pour l'action il y a toujours Abraham Lincoln, Chasseur de Vampires).