Après "Mulholland Drive", David Lynch revient en 2006 avec "Inland Empire", son dernier film à ce jour, ce qui en fait déjà une œuvre toute à fait particulière quand on connait le talent et la filmographie impressionnante du monsieur. Pour résumer très brièvement l'histoire, une jeune prostituée polonaise regarde sa télévision en sanglotant et fantasmant. À Hollywood, Nikki (Laura Dern), actrice, vient d'acquérir un rôle très important dans un film réputé comme étant maudit, s'installe alors une mise en abîmes continuelle qui vont relier les deux femmes dans un même destin déroutant et effrayant. Il faut déjà partir du principe que ce film ne doit pas être vu comme un long métrage traditionnel au scénario cohérent et linéaire, c'est avant tout une expérience, il faut accepter de s'y perdre et de se laisser prendre au jeu. La réalisation si particulière de Lynch se pose dès les premières minutes, les "rabbits" nous annoncent clairement la rupture entre la réalité (supposée) et la fiction. Puis vient l'introduction du personnage de Laura Dern, existe t-elle ou est ce l'image créé par l'imaginaire fantasmagorique de la téléspectatrice ? Une voisine vient la mettre en garde qu'un danger la guète, cette conversation est assez surréaliste et scotchante. Les vingts prochaines minutes sont beaucoup plus légères, jusqu'à ce que Nikki se retrouve tout d'abord piégée par son propre rôle en plein tournage puis totalement prisonnière de l'esprit de la jeune téléspectatrice. S'en suit une succession de mise en abîmes déroutante, ou Nikki va se perdre dans ses souvenirs, ses fantasmes et son imaginaire, et c'est à ce moment précis où le voyage commence et qu'il faut accrocher solidement sa ceinture. Lynch prend un malin plaisir à nous torturer, les rôles évoluent, se récolent, les situations s'entremêlent, tantôt oniriques tantôt terrifiantes, entre rêve et cauchemar. L'esthétisme est très varié, la palette du réalisateur est déballée, de quoi ravir tout les fans, la mise en scène est prodigieuse, à l'image de Laura Dern, sans oublier la bande son extrêmement envoûtante, caractéristique au maître depuis "Eraserhead". Un des faits marquant entamant la fin du fantasme est la mort (fictive) de Nikki, enlevant une première couche, vers un progressif retour à la réalité consciente de sa directrice. Toutes les portes finissent par se refermer derrière elle, la délivrant pour finalement boucler la boucle et libérer la téléspectatrice de sa propre katharsis. On s'aperçoit dans les dernières minutes que le personnage de Laura Dern n'était purement est simplement qu'une représentation fictive, elle prend conscience de son statut de personnage de cinéma et se retrouve dans une grande salle retrouvant notamment Laura Harring, l'héroïne de "Mulholland Drive", la femme à la perruque de "Lost Highway" ainsi qu'un bûcheron sciant un tronc d'arbre (référence à "Twin Peaks" ?), tout cela ne sonnerait il pas comme un ultime hommage et une façon pour David Lynch de tirer sa révérence au cinéma ? Possible. Pour conclure, "Inland Empire" n'est certes pas un film facile d'accès il est même très difficile à suivre, peut paraître trainer en longueur sur certaines séquences ou avoir du mal a se terminer; mais il reste un film absolument fascinant et envoûtant. A découvrir pour les curieux en mal de cinéma underground et esthétique.