De premier abord, INLAND EMPIRE semble opaque et inconfortable, comme un immense bloc, aride et froid, tout en majuscules, avec ses sons secs, son image désincarnée et agressive, dont la texture même est angoissante. Quelque chose de totalement fascinant émerge pourtant, quelque chose de terriblement flippant, d’extrêmement déroutant, et qui m’a laissé souvent au loin, extérieur au film. Puis, à mesure des visions ultérieures, ce bloc étrange s’érode doucement, laissant apparaître son cœur abîmé, son fragile squelette incroyablement agencé, ménageant de multiples entrées à son spectateur. INLAND EMPIRE s’est fait plus proche de moi. Une proximité aussi due à l’exaltation de voir ce bloc fait d’empilements concentriques et hasardeux, plein de circonvolutions narratives, prendre tout son sens sur sa fin, annihilant même ma perplexité du début. On y découvre comme l’âme d’un film hanté, possédé et délétère, et surtout une liberté incroyable, vertigineuse et complètement désinhibé. C’est véritablement le nouveau Lynch, dans tous les sens du terme, que représente INLAND EMPIRE, tant son cinéma semble se déparer de tout le romantisme glamour hollywoodien, de toutes les références hitchcockiennes habituelles, fusillant avec sa DV le diktat de la propreté de l'image au cinéma, et ce, de façon délicieusement jubilatoire. Avec une certaine remise en question aussi, un certain recul sur ses œuvres préexistantes, parfois revisitées avec un humour et un sens du grotesque qui s’affirment de plus en plus à la revoyure. INLAND EMPIRE fait partie de ces œuvres qui ont chamboulé mon rapport au cinéma, à la fiction et à l’art. Et deux choses pour finir, deux inattaquables : Laura Dern, qui s’érige ici pour l’éternité en MONUMENT du travail d’acteur et d’abandon à un personnage, et ce générique de fin, comme l’adieu le plus beau et le plus chaleureux qu’ait jamais fait un film à son spectateur.