"Enter the Void", film ambitieux de Gaspar Noé, se présente comme une odyssée visuelle et sensorielle qui divise inévitablement son audience. Son expérimentation formelle, bien que techniquement impressionnante, peut soit hypnotiser, soit aliéner, selon la disposition du spectateur face à l'expérience cinématographique que Noé propose.
Le film, ancré dans les néons pulsants de Tokyo, suit l'esprit d'Oscar après une mort violente. La caméra, subjective, transforme ce qui pourrait être une simple narration en une expérience immersive. Benoît Debie, le directeur de la photographie, excelle par sa maîtrise de la lumière et des couleurs qui transcendent le réel et font presque de Tokyo un personnage à part entière. Cet aspect visuel est sans doute le plus grand atout du film, offrant des images que l'on ne trouve nulle part ailleurs dans le cinéma contemporain.
Sur le plan narratif, le film s'inspire du "Livre des morts tibétain", promettant une exploration de la mort et de l'après, mais se heurte à des limitations. Le développement des personnages, notamment, semble sacrifié au profit de l'expérience visuelle. Oscar et Linda, malgré les performances honnêtes de Nathaniel Brown et Paz de la Huerta, restent en surface, nous donnant peu de prise émotionnelle. Cela crée une distance qui peut rendre l'expérience du film plus contemplative que participative.
Le rythme est un autre point de friction. Avec une durée qui dépasse les deux heures et demie, certains segments, particulièrement dans la seconde moitié, semblent étirés au-delà de leur efficacité narrative. Cette dilatation temporelle, bien que parfois hypnotique, teste la patience et l'engagement du spectateur, diluant l'impact des scènes les plus puissantes.
L'approche sonore, conçue par Ken Yasumoto, mérite une mention spéciale pour son réalisme immersif et son utilisation subtile mais puissante du son spatial qui complète la vision du voyage astral d'Oscar.
En conclusion, "Enter the Void" est une œuvre qui mérite d'être vue pour son audace et son innovation technique, mais qui ne réussit pas tout à fait à équilibrer ses ambitions visuelles avec une histoire captivante et cohérente. Noé offre une expérience unique, certes, mais dont l'attrait peut se révéler inégal selon les attentes du public en matière de narration et de développement de personnages. Le film demeure une pierre de touche dans le cinéma expérimental moderne, tout en soulignant les défis inhérents à un style aussi radical.