Enter the Void: ce titre, à lui seul, inspire une certaine force, un certain écart vis-à-vis des films habituels, dont les titres schématisent généralement fortement l'histoire. Ce titre d'Enter the Void, lui, se révèle moins schématique et plus envoûtant : le Enter se réfèrerait au tout début, lettres inscrites sur l'immeuble faisant face à l'apprtement d'Oscar; le Void, lui, est la boîte de nuit où le pire arrive. Et c'est ce "the", entre les deux, qui donne le ton du film, un film où la caméra flotte, nébuleuse, dans les espaces impalpables et sans attaches, ce vide de l'infini de l'âme libérée par la mort du corps.
Noé, à coup sûr et certain le plus grand réalisateur français depuis bien des années, avait déjà frappé fort auparavant : que ce soit avec Seul Contre Tous, oeuvre d'une violence (physique et morale) rare, ou Irréversible, chef d'oeuvre indétrônable ; avec Enter the Void, il enfonce le clou, prouvant que son talent va crescendo.
Car on reste, en effet, héberlués devant une telle beauté d'images, de soin de la photographie, et de mise en scène (ancien élève de l'école Louis Lumière, il a toutes les compétences pour faire preuve de créativité et de connaissances en la matière). Fortement influencé par le culte et impressionnant film "Angst" de Gerald Kargl, Noé décide à son tour de tourner en recourant majoritairement à des plongées verticales grandioses. De fait, bien des mouvements de caméra, fluides et parfaitement maîtrisés, se révèlent à la fois fantastiques et énigmatiques : comment tourner d'une façon aussi majestueuse de longs plans séquences, en arrivant à gommer l'impression de regarder en réalité un film? Car la maestria de Noé est bien de parvenir à en faire oublier la présence de sa caméra, par l'aspect époustouflant de liberté de mouvements qu'il véhicule, véritable révolution (oui : révolution!) visuelle.
Le caractère mélancolique, torturé, émotif, se disputant à la noirceur de l'espèce humaine (le sexe, la drogue...), confère à l'histoire une magie et une force puissante.
Seul léger problème, maintes fois pointée du doigt : sa longueur de plus de 2h40, pourtant remaniée vis-à-vis de la version présentée au festival de Cannes. Pour moi, ce "défaut" reste très secondaire; d'accord, c'est peut-être un peu trop long? Mais si ces minutes en plus n'avaient pas été là, n'aurait-ce pas été un peu court? D'où mon 4.5/5 qui n'enlève néanmoins rien au chef-d’œuvre du talentueux Gaspar Noé. Néanmoins, un film qui ne se place pas entre toutes les mains...