Dès ses premières minutes, La Guerre des Mondes frappe fort. L’apparition des trépieds extraterrestres est un moment d’une intensité rare, où l’angoisse et l’émerveillement se mêlent. Spielberg capte avec brio la panique qui s’empare des foules et la menace implacable des envahisseurs. La scène de l’orage, avec ses éclairs assourdissants et son chaos palpable, établit une tension immédiate.
Cependant, cette intensité initiale s’effiloche rapidement. Une fois passé l’effet de surprise, le film glisse dans une répétition de scènes d’évasion et de chaos, sans jamais approfondir véritablement les enjeux émotionnels ou la nature des extraterrestres. Le potentiel d’une intrigue captivante s’efface progressivement, remplacé par une accumulation d’épisodes souvent convenus.
Le film s’articule autour de Ray Ferrier, interprété par Tom Cruise, un père divorcé contraint de protéger ses enfants dans un monde en plein effondrement. Cruise livre une performance énergique, mais son personnage manque de nuance. Le parcours de rédemption de Ray, bien qu’efficace sur le papier, semble forcé, et les relations familiales qu’il tente de reconstruire manquent de subtilité.
Dakota Fanning, dans le rôle de Rachel, apporte une vulnérabilité touchante, mais son personnage est réduit à des réactions de peur et de cris incessants. Quant à Robbie, incarné par Justin Chatwin, son arc narratif — marqué par une quête d’héroïsme mal définie — laisse un goût d’inachevé. Les motivations floues et les décisions parfois incohérentes de ces personnages affaiblissent leur impact émotionnel.
Spielberg semble hésiter entre une exploration intime des dynamiques familiales et une fresque d’invasion extraterrestre. Si certaines scènes, comme celles où Ray tente de maintenir l’unité de sa famille, capturent une certaine authenticité, elles sont souvent noyées dans des séquences d’action frénétiques qui manquent de véritable enjeu.
Les thèmes sous-jacents, tels que la résilience face à l’adversité et la fragilité de la civilisation moderne, ne sont qu’effleurés. Les références visuelles aux attentats du 11 septembre, bien que poignantes, apparaissent comme des raccourcis émotionnels plutôt que des éléments véritablement intégrés au récit.
Sur le plan visuel, La Guerre des Mondes oscille entre le spectaculaire et le banal. Les trépieds, avec leur design mêlant mécanisme et organique, sont impressionnants et parviennent à transmettre une menace palpable. Leur apparence massive et leurs mouvements fluides confèrent une présence intimidante qui domine l’écran.
Cependant, certaines scènes d’effets spéciaux souffrent d’un manque d’intégration. Les explosions et les destructions massives, bien que techniquement compétentes, manquent parfois de subtilité, donnant au film un aspect artificiel. Les scènes utilisant des maquettes et des décors pratiques, comme le crash de l’avion, sont bien plus mémorables que les moments dominés par des CGI moins convaincants.
Le plus grand défaut de La Guerre des Mondes réside dans son rythme. Le film alterne entre des scènes d’action trépidantes et des séquences plus calmes, souvent trop longues ou mal placées. La tension initiale s’essouffle rapidement, et le spectateur peine à s’investir dans les enjeux à mesure que l’histoire progresse. La séquence du sous-sol, où les protagonistes se cachent de la menace extraterrestre, illustre bien ce problème : bien que visuellement réussie, elle s’étire au point de diluer l’impact émotionnel.
La conclusion, fidèle au roman, repose sur l’idée que les extraterrestres succombent aux microbes terrestres. Si cette résolution est intéressante d’un point de vue conceptuel, son exécution laisse à désirer. Le dénouement est précipité, manquant de la gravité et de l’impact nécessaires pour clôturer une histoire d’une telle ampleur. Les retrouvailles finales entre Ray et sa famille, bien que censées apporter une note d’espoir, semblent artificielles et peu satisfaisantes.
La Guerre des Mondes de Spielberg est une tentative honorable de revisiter un classique, mais elle échoue à trouver un équilibre entre spectacle et substance. Si le film impressionne par moments grâce à ses visuels et son atmosphère tendue, il est freiné par des personnages peu développés, un rythme bancal et une exécution narrative inégale. Loin d’être un échec total, c’est un film qui aurait pu atteindre des sommets, mais qui se contente de rester à mi-chemin.