Ray, père divorcé, accueille ses deux enfants avec qui il a une relation compliquée pour le week-end quand de nombreux éclairs successifs frappent la région. Très vite, les habitants fuient car une masse géante vient d'émerger de terre et tue tous ceux qui se trouvent sur son passage. C'est une invasion extraterrestre...
Ce film, c'est du grand spectacle, sorti exprès en juillet en mode blockbuster. Honnêtement, y a de la matière grâce à Wells, donc c'est pas compliqué. Et finalement, l'aspect catastrophe s'avère relativement bien rendu, avec bien sûr des scènes volontairement rajoutées pour intensifier l'horreur (comme si y en avait vraiment besoin) et surtout pour en foutre plein la vue.
Mais déjà, c'est trop bête, le film commence en donnant quasi les clefs de la fin. Y a clairement une recherche de style ou de mise en abîme façon un peu philosophique, mais ça gâche quand même pas mal le dénouement qui arrive du coup trop facilement.
Ensuite, dès les premières minutes, c'est le contexte du livre qui est complètement refondu pour situer l'action aux Etats-Unis et bien sûr impliquer une famille avec enfants dans ce fléau venu de l'espace. Hollywood et ses impératifs visent à la fois les mecs qui surkiffent les films catastrophe et leurs nanas traînées au cinéma en rajoutant une touche soi-disant d'humanisme parental histoire de satisfaire tout le monde. Bon, c'est quand même chiant toutes ces scènes avec des relations entre personnages dans le cadre domestique. Le must reste quand même quand le grand frère Robbie doit calmer sa soeur dans la voiture qui fuit New York ("ça c'est ton espace, il peut rien t'arriver" !!!) ou quand le père et le fils à la relation conflictuelle s'engueulent au bord de la route sur fond de chars d'assaut de l'armée américaine en plein déploiement (purée c'est beau le patriotisme)... ça donne une tension et un suspense tellement faux et surfaits, c'est dingue...!
Dans le cadre patriotique d'ailleurs, notons la blague nulle de Robbie qui demande à son père si l'invasion vient de terroristes d'Europe... Certes, 2005, l'année de sortie du film, c'est seulement 4 ans après 9/11 avec les invasions de l'Afghanistan et de l'Irak qui ont suivi. Mais voir ce film 12 ans après sa sortie, ça laisse une blague douce-amère, avec d'un côté l'idée stéréotypée mais pas tant que ça que les Américains voient l'Europe comme pépinière à terroristes ou que les attaques ne peuvent venir que de là, et de l'autre voir que ces 12 dernières années effectivement le terrorisme s'est largement propagé en Europe avec une Union Européenne qui fait face à des attaques multiples dans ses capitales et villes emblématiques. En bref, ça fait rire jaune et vert...
Sinon, sur une note plus générale, le principe même de l'histoire de Wells est conservé, ses intrigues majeures bien rendues comme le son qu'émettent les Tripodes ou leur aspect, ou bien la scène du ferry (même si c'est pas sur la Tamise), ou encore les algues rouge sang qui envahissent le paysage. En bref, l'ambiance est parfaitement reproduite, surtout cette curiosité malsaine et dangereuse qui conduit de nombreux habitants à se rapprocher du danger pour voir ce qui se passe, exactement comme dans le livre...
Là où finalement ça s'écarte grandement du récit originel, outre les points déjà évoqués (géographie, personnages, contexte...), c'est la théorie que les aliens avaient déjà enfoui leurs Tripodes bien bien bien avant l'apparition de la race humaine, et que donc leur invasion était prévue et que, voilà la logique qui en découle, ils savaient qu'il y aurait tout un tas de petits réservoirs sanguins à pomper dans les années 2000. Pas très crédible, bizarre, clairement éloigné du roman... On dirait que la théorie a été inventée juste pour permettre cette scène où le sol tourne sur lui-même avant que le premier Tripode émerge pour tout buter sur son passage. Pur code du film catastrophe, en fait... Et puis tant qu'à faire, la technologie ne marche plus dès que les méchants arrivent (sauf bien sûr 1 voiture sur un milliard hein, et aussi une caméra au début quand le Tripode sort du sol, histoire de montrer une mort bien théâtrale), c'est presque un copier-coller de Le Jour où la Terre s'arrêta (Robert Wise, 1951) ; c'est même une pirouette pour forcer les personnages à revenir à un exil à pied, comme dans le livre, dans lequel l'action se situe à la fin du 19ème siècle et la technologie moderne, en toute logique, n'existait pas. On pourrait en outre s'interroger sur la nécessité de resituer l'histoire à notre époque, vu que l'un des éléments clefs du chef-d’œuvre d'H. G. Wells, c'est justement d'être avant-gardiste et de faire venir des aliens bien avant Roswell et la science-fiction moderne. Pourquoi ne pas avoir fait une espèce de Cowboys et envahisseurs (Jon Favreau, 2011) qui à l'époque avait de quoi choquer à cause de son décalage mais qui au moins suppute que les aliens étaient là bien avant l'électricité ?? Au final, c'est complètement dénaturer l'essence même du bouquin pour répondre aux exigences des codes du film catastrophe hollywoodien. Vraiment pas top...
On notera aussi que Ray est carrément plus actif que le narrateur du bouquin, qui se planque pendant plus de 10 jours, toujours pour plus de spectacle (là on leur en veut pas trop, le roman étant assez statique par moments), et que le personnage d'Ogilvy est devenu un psychopathe pro-résistance tué par Ray pour leur salut tandis qu'il n'est qu'un pauvre collègue du narrateur pulvérisé par les Tripodes dans le livre... Ai-je mentionné la sur-dramatisation ???
Enfin, on assistera un peu interloqué au discours de clôture qui dit quand même plus ou moins que les Hommes ont vaincu et qu'ils vainquent toujours (genre l'Amérique gagne toujours, faut traduire) alors que d'1, les Hommes ont rien foutu pour venir à bout des aliens, ils se sont fait massacrer par la planète Terre qui les a bousillés toute seule comme une grande ; et 2, on est à mille lieues de l'idée finale développée par l'auteur qui questionne au contraire la croyance erronée de l'invincibilité du genre humain qui s'entretue lui aussi tout seul comme un grand et s'interroge sur la possibilité d'une autre attaque à l'avenir, l'Homme n'étant visiblement pas prêt du tout... Oui, rien à voir vous disais-je.
Cette pensée suprématiste fait prétentieux et effectivement correspond assez à la vision que certains pays se font des Etats-Unis qui interfèrent dans de nombreux conflits (ou les créent) et se voient comme les sauveurs du monde (avez-vous déjà vu un équivalent d'Independance Day (Roland Emmerich, 1996), Armageddon (Michael Bay, 1998) ou 2012 (Roland Emmerich, 2009) qui ne vienne pas des States ??).
Que retire-t-on de ce film ? Un spectateur appréciera, pensera avoir compris l'histoire globale, aura certainement passé deux heures de divertissement pas trop pourries. Mais il ne comprendra en aucun cas la portée même et les enjeux du récit de Wells. Il faut bien se dire que le film et le livre sont deux choses bien distinctes et que le film ne peut en aucun cas remplacer le livre. Vous aimez la science-fiction ? Alors, à vos classiques !
livriotheque.free.fr