"21 Jump Street" ou le film que je m’attendais à détester… surtout après l’annonce du casting (l’endive Channing Tatum et le lourdingue Jonah Hill) et une bande-annonce assez ridicule qui annonçait une sombre parodie de la série culte dans la veine du raté "Starsky et Hutch". Pouvait-on d’ailleurs vraiment parler d’adaptation en sachant que, outre un ton bien plus comique que dramatique (ou même simplement policier), le film ne devait même pas reprendre les personnages de la série d’origine et se limiter à seulement deux personnages principaux (au lieu des quatre habituels) ? Bref, s’il n’y avait pas eu un tel engouement public et critique à la sortie du film, je serai sûrement resté sur mes positions. Et j’aurai eu bien tort car "21 Jump Street" est sans doute une des meilleures comédies de l’année. Certes, il faut faire le deuil d’un traitement plus premier degré qui aurait été plus respectueux de l’esprit de la série d’origine et se faire à l’idée que le film est une comédie. Mais une fois le parti-pris digéré, on ne peut que s’incliner devant le talent d’écriture de Jonah Hill (à l’origine de l’adaptation et scénariste) qui épate tant par son sens du rythme comique (avec un goût du détail appréciable) et par ses dialogues monstrueusement drôles. Cette écriture ultra-référencée (et donc résolument moderne), associée à la réalisation énergique de Phil Lord et Chris Miller (aidés par une excellente BO signée Mark Mothersbaugh), donne au film un rythme incessant qui a su trouver l’équilibre entre humour et action mais, surtout, qui ne s‘est pas contenté de personnages stéréotypés sortis d’une autre époque. Car, la valeur ajoutée de "21 Jump street" réside très certainement dans le portrait que le film dresse de la jeunesse d’aujourd’hui et son comparatif avec la "génération" l’ayant précédé quelques années auparavant. Le retour des 2 héros au lycée permet de faire un constat d’inversement des repères (les capitaines de l’équipe de foot beau gosse, plus doués en sport que pour les études, sont devenus bien moins hypes que les intellos pseudo-altermondialistes) et nous offre quelques séquences mémorables (le port du sac à dos avec une ou deux lanières, le choix de la voiture pour débarquer au lycée…). Il permet également de creuser la relation des deux coéquipiers en mettant en avant leurs traumatismes de lycée (impopularité pour Schmidt, médiocrité scolaire pour Jenko), ce qui offre aux personnages une profondeur inattendue et étonnement réaliste (Schmidt vit ce retour au lycée comme une revanche sur la vie, quitte à s’y perdre au passage, alors que Jenko y voir un cauchemar qui va le contraindre à se remettre en question). Du rythme, de l’humour, du fun, du fond… il aurait vraiment fallu un casting en dessous de tout pour venir enrayer la machine. Heureusement, et c’est l’autre miracle du film, le duo vedette est tout simplement épatant. Jonah Hill, habituellement cantonné au rôle du petit gros rigolo, réussit à apporter une consistance inespérée à son personnage et évite, à la fois, le piège du comique de service et celui du moralisateur pénible. Plus surprenant encore, l’apathique Channing Tatum, qui m’a toujours rebuté par son jeu à une expression faciale et son côté "je me la joue beau gosse malgré mon regard bovin", prouve qu’il sait jouer en s’offrant son premier rôle convaincant et dévoile un talent comique incroyable (ainsi qu’une bonne dose d’autodérision). Ils sont, en outre, très bien entourés puisqu’on retrouvent, parmi les second rôles, l’amusant Ice Cube en caricature (volontaire) de lieutenant black de série TV des 80’s, la délirante Brie Larson, l’excellent Dave Franco, la géniale Ellie Kemper ou encore l’allumé Rob Riggle. Mais surtout, "21 Jump Street" peut compter sur l’un des meilleurs cameo de ces dernières années avec la présence (à laquelle on n’osait croire) de Johnny Depp et Peter DeLuise, qui reprennent leurs rôles et s’offrent une scène d’anthologie sous forme de passage de témoin qui marquera les esprits. Plus discret, on retrouve également Holly Robinson Peete et une apparition subliminale (et télévisuelle) de Dustin NGuyen, les deux autres membres de l’équipe d’origine. Que dire de plus si ce n’est qu’il manque peut-être une reprise un peu plus mise en avant du cultissime générique de la série (rélégué ici en toute fin du générique final) ? De même, les esprits chagrins (ou les nostalgiques purs et durs dont je croyais faire partie) pourront toujours regretter le ton du film en se demandant ce qu’aurait bien pu donner une adaptation plus sérieuse. Mais, l’incontestable réussite du film impose une autre question : à quand la suite ?