Selon le bushidō ou « la voie du guerrier », au confluent du shintoïsme, du bouddhisme et du confucianisme, les samouraïs se réfèrent à l’étiquette qui encadre leur pratique, dont la finalité est la victoire « sur le champ de bataille ». Ce code moral, au cœur des relations d’affaires, est celui que s’impose Alain Delon dans « Le Samouraï ». Il exécute ses missions en silence, froid et concentré, suspicieux et sur le qui-vive, tout uniment tendu vers la réussite. Il applique -si possible- les vertus de l’exercice du spadassin : rigueur, courage, grandeur d’âme, élégance, honnêteté, honneur et loyauté.
Mais voilà : trop sûr de lui, il laisse échapper une faille dans le cadre du mandat qui vient de lui être confié par un obscur commanditaire et se retrouve au Quai des Orfèvres. Point de départ de ce film de bonhommes réalisé par Jean-Pierre Melville, diffusé dans le cycle #AlainDelon et #LOeilDansLeRetro au @cinemalasalamandre cette semaine.
Atmosphère noire à la Simenon. Paris la nuit : club de jazz underground et huppé, Champs-Élysées non dévoyés. Alibis au cordeau. Appartements bourgeois énigmatiques. Jeux de regards, panache et sang-froid plutôt que dialogues. Actions millimétrées construites à la perfection. Souci du détail hitchcockien : pardessus de la couleur des bagnoles, mythiques Citroën DS, Stetson, Gitanes bleues, oiseau messager. Irrésistible film d’esthète où le vol devient œuvre d’art, où les hôtels et piaules miteux prennent l’apparence bobo, où le métro semble « the place to be ».
« Le Samouraï », c’est aussi une confrontation ultra-glamour : Delon et Delon. Alain et Nathalie. Beautés aussi ténébreuses qu'ensorcelleuses. Les femmes, chez Melville, ont des rôles courts mais si ingénieusement angulaires. C’est d’ailleurs une femme qui va sonner le glas du samouraï. Fascinant film vintage, qui n’a pas pris une ride.