Qu'est-ce que "Lost in Translation" si ce n'est que la simple retranscription d'une expérience : deux êtres perdus dans un pays qui vont se rencontrer et se lier pendant une courte période ? Cette idée minimale est transcendée par une mise en scène qui capte chaque geste et chaque instant comme s'ils étaient primordiaux dans la relation entre les deux personnages. Mais, au final, c'est moins la rencontre entre Bob, un acteur lassé de son métier et qui ne sait plus vraiment où il en est avec sa famille, et Charlotte, jeune diplômée qui n'a aucun projet d'avenir, qui émeut que la rencontre entre deux acteurs. D'un côté Scarlett Johansson que l'on a jamais vu aussi tendre et fragile, de l'autre Bill Murray - très drôle comme toujours - qui explore une autre facette de son jeu, plus mélancolique, qui n'écrase toutefois pas son talent comique. La complicité entre Johansson et Murray est évidente, déjà créée alors qu'ils ne se sont pas encore parlés, parce que Coppola a un réel désir de les filmer et de les accompagner dans ce Tokyo partagé entre le calme de l'hôtel et le dynamisme extérieur, une tension que l'on retrouve dans les différences de rythme du film, la lenteur générale étant brisée par des accélérations soudaines. Un peu comme dans "Sur la Route de Madison", "Lost in Translation" raconte l'histoire de deux personnes qui vont s'aimer mais dont on sait dès le début qu'ils devront se séparer : si dans le chef-d'oeuvre d'Eastwood la scène de la voiture est déchirante, c'est parce qu'elle n'est pas actée; chez Coppola, la scène de l'adieu est programmée mais c'est la série de gestes que fait Murray qui est bouleversante : prendre Scarlett dans ses bras, l'embrasser brièvement et lui murmurer des paroles que le spectateur n'entendra jamais. Cette intimité, qui parcourt tout le film, touche dans cette scène son point le plus fort en ce qu'elle mêle pudeur et expression des sentiments, une émotion qui tente d'être contenue et une extériorisation presque obligée. "Lost in Translation", joyau d'écriture et délicat par sa mise en scène, est un de ces rares films qui nous rend si tristes de devoir quitter ses acteurs, définitivement inoubliables.