Il va de soi que pour qu'un être humain en vienne à en tuer un autre – perdant, de ce fait, une part de son humanité –, c'est qu'un trouble psychologique profond l'habite. Par conséquent, peut-on prendre la décision collective de l'exécuter à son tour, en réponse équitable aux crimes qu'il a commis ? Le laisser en vie reviendrait-il à courir le risque qu'il récidive ? Enfin, si l'on choisit de l'épargner, quelles solutions, pour la sécurité de tous, s'offrent à nous ?
Avec M le Maudit, Fritz Lang remet en question toutes les certitudes convergeant vers la peine de mort. Pour s'attaquer à ce sujet, il ne fait pas les choses à moitié : il prend comme exemple un psychopathe aux activités sournoises, ciblant seulement des êtres démunis – des enfants –, symbole évident d'innocence. Ses crimes se perpétuent dans un quartier ouvrier, dans lequel les familles effectuent un dur labeur pour (sur)vivre.
Les manœuvres policières restent impuissantes face à l'assassin, et le dérangement que cette traque occasionne est tel, que la pègre s'en mêle et s'organise, grâce aux réseaux de mendiants, pour coincer l’insaisissable criminel. Ce dernier se fond dans la masse, mais la chansonnette qu'il sifflote avant ses kidnappings le trahit.
C'est un vieillard aveugle, comme la justice, qui l'identifie et permet sa capture
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S'ensuit une chasse à l'homme aux rôles inversés : le prédateur se retrouve pris au piège dans une souricière géante. Lang maintient une tension et parvient à réhumaniser un homme vicié. Derrière ses crimes impitoyables, se terre une personne, avec sa vulnérabilité.
Celle-ci se révèle davantage lors du procès populaire, lequel revêt une apparence de justice réparatrice : M partage son ressenti aux familles des victimes, et parvient à exprimer la pulsion criminelle qui le pousse à agir. En face, les visages demeurent dubitatifs ; la mort apparaît comme une punition consensuelle. Mais cette vengeance meurtrière, ainsi que le rappelle l'avocat assurant la défense de M, ne tient pas compte du trouble psychologique dont souffre l'accusé.
Contre le gré de l'opinion publique, mais en adéquation avec une tolérance et un humanisme profonds, M pourrait se voir interner pour ses méfaits… ou abattu par une justice étatique. Lang ne donne pas d'issue.