La vieille dame indigne
François Ozon ? Je suis fan ! Je crois avoir vu tous ces films depuis Sous le sable en 2000. Il ne m’a que rarement déçu, malgré des incursions dans tous les domaines, de la comédie musicale au film noir, de la comédie de boulevard au thriller, tout lui réussit Et ce ne sont pas ces 102 minutes de drame qui me feront changer d’avis. Ozon est un très grand. Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu. Quand le passé resurgit, la tension est à son comble et on ne sait plus où va aller ce film virtuose porté par une distribution hors pair.
Après ses deux derniers films, - Peter von Kant, et Mon Crime -, Ozon a voulu revenir au scénario original. Celui-ci est digne du grand Simenon, car il met en scène des personnages, qui sont confrontés à des cas de conscience complexes, au-delà du bien et du mal. Son autre volonté – je le cite – était de filmer la beauté des rides faites du temps qui passe et d’une expérience de la vie. J’avais envie de filmer des actrices de 70 et 80 ans qui portent leur âge et l’assument sans artifice. Il raconte également l’origine de son inspiration : Le réalisateur se rappelle que, lorsqu'il était enfant, une de ses tantes avait organisé un repas de famille où elle avait cuisiné des champignons, qu’elle avait elle-même ramassés. Pendant la nuit, tout le monde avait été très malade, sauf elle, qui n’en avait pas mangé. Cette histoire m’avait fasciné et je soupçonnais ma tante, si gentille et bienveillante, d’avoir voulu empoisonner toute la famille. Ou quand « mamie-gâteau devient Mamie-champignons… Le film raconte aussi l’automne de la vie mais aussi la beauté automnale de ces paysages. Le rythme des saisons, la nature sont très présents dans les couleurs, la lumière, les sons, dans le bruit de l’eau des canaux. Le film commence et finit en automne, dans la forêt. La boucle est bouclée. La musique des frères Galpérine ajoute à cette ambiance, faite d’une mélodie au piano très simple à laquelle s’ajoutent des bruits de feuilles qui tombent. L’étrangeté un peu effrayante, la tension psychologique, le trouble qui s’installe, sont les atouts principaux de cet excellent film avec évidemment, la qualité du casting. Allez-y, vous ne le regretterez pas.
Enfin un grand 1er rôle pour la merveilleuse Hélène Vincent, qui, depuis 2012 et Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé, n’avait pas vraiment connu le haut de l’affiche. Quel gâchis ! Il aura fallu attendre ses 81 ans pour découvrir quelle magnifique actrice elle est et peut-être, lui remettre un César. A ses côtés, Josiane Balasko, d’une sobriété sans pareille, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin, - peut-être dans on meilleur rôle à ce jour -, Sophie Guillemin et le jeune Garlan Erlos, - une belle découverte pour son 1er film -, complètent cette distribution parfaite en tous points. Ozon a beau changer de genre à chacun de ses films,- celui-ci est son 23ème-, il reste un point commun : le talent d’écriture, - tout repose sur les ellipses et les hors-champ -, de direction d’acteurs et de mise en scène. Un vrai thriller qui en épatera plus d’un. Vous aussi, j’espère.