Je ne suis pas une grande fan du cinéma de « François Ozon » mais ce film noir, mettant en scène deux femmes âgées, m’a attiré dés que j’ai vu la bande annonce. Tourné dans un petit village du nord de la Nièvre, « Quand Vient l’Automne » est film plus noir qu’on ne l’imagine. Pendant 1h45, François Ozon construit une intrigue en trompe l’œil. De prime abord, tout est un peu idyllique : la campagne en automne est jolie, la vie paisible, les deux amies semblent soudées et s’aimer, elles se font des confidences, se rendent des services : le premier quart d’heure du film est très tranquille, on pourrait même penser qu’il en se passe pas grand-chose. Mais tout le talent de François Ozon est de cacher la noirceur sous un tas de feuilles mortes. Sur la réalisation, rien d’ébouriffant mais le travail est bien fait, la photographie est jolie, la musique discrète, le film n’est pas trop long et ménage bien ses effets. Je me méfie toujours un peu des films qui se passent en province, et à la campagne, j’ai toujours l’impression qu’on filme la province comme un endroit sans modernité. Ici, si l’on excepte la scène de la fête dans le petit bar (François Ozon sait-il que la musique moderne est arrivée jusqu’en province ?), je ne trouve rien à vraiment redire. Le film, comme je le disais, ménage ses effets.
On sent qu’il y a quelque chose à comprendre du passé de Michelle et Marie-Claude, quelque chose qui a pourri les relations entre Michelle et sa fille. Cela est distillé par petite goutte : « Ma mère me dégoute », « Est-ce que la police t’a parlé du passé ? ». On imagine un peu ce que cela peut-être, mais on ne devine pas ce qui est dévoilé au milieu du long métrage. Ceci dit, une fois qu’on le sait, on se dit que Michelle ne cache pas non plus un secret si terrible qu’on l’avait imaginé !
Le film joue sur quelques ambigüités :
Michelle a des absences, que doit-on penser de cette histoire de champignons ? Simple accident ? Acte manqué ? Cette ambigüité sera même encore plus aigue plus tard, car un second drame va advenir. Lors d’une conversation entre les deux copines, l’idée que Michelle ne soit vraiment pas une « mamie confiture » nous effleure de plus près.
Toute l’intelligence du scénario est de ne jamais réellement donner toutes les clefs de ce personnage. Ce scénario, avec le recul, on a parfaitement le droit de le trouver immoral, cynique même. Il y a quand même beaucoup de noirceur dans les personnages de Michelle, de Valérie et de Vincent, le fils délinquant de Marie-Claude. Après, il y a deux trois petites choses que j’ai moins aimé dans « Quand vient l’Automne »
comme les « hallucinations » de Michelle
et la toute fin 10 ans après l’intrigue : en 2034, donc… où pas grand-chose n’a changé dans ce petit village nivernais, comme si tout en province était toujours immuable, figé, immobile. Le film d’Ozon doit beaucoup à la fine écriture de ses personnages et aussi à la qualité de son casting, au premier rang duquel Hélène Vincent et Josiane Balasko. Deux comédiennes âgées qui se partagent le premier rôle d’un film noir, ce n’est pas si fréquent ! Hélène Vincent est juste comme il faut, gentille et ambiguë, et Josiane Balasko est très bien dans le seul rôle positif du film : cette copine là est une vraie copine. Ludivine Sagnier est de prime abord parfaitement odieuse dans le rôle de Valérie, on se dit qu’elle est ingrate, vénale, que son cœur est sec.
Elle n’aura malheureusement qu’une seule scène, courte, pour montrer la souffrance psychique qui est celle de son personnage.
Et puis il y a Pierre Lottin, a qui un jour, peut-être, on offrira autre chose que des rôles de petits frappe ! On ne sait pas pourquoi son personnage est incarcéré au début du film,
on n’en sait pas plus à la fin.
On ne sait pas de quoi il est capable exactement, il est toujours limite inquiétant. Il y a dans sa façon d’incarner Vincent une violence intérieure qui met volontairement mal à l’aise. De tous les personnages du film, c’est surement celui qui est le plus insondable. « Quand vient l’Automne » est un film noir que je trouve, dans son ensemble, assez réussi. C’est un polar rural honnête, à hauteur de vieilles dames, sans manichéisme, et avec juste ce qu’il faut d’immoralité.