Après le succès qu'avait été "Les Misérables", le retour de Ladj Ly était forcément attendu. Pourtant, ce "Bâtiment 5" est sorti en se faisant bien moins remarquer. Le contexte et la date de sortie n'ont certainement pas aidé, mais le sujet, très proche de son précédent projet dans l'approche des thématiques, est peut-être aussi en cause. C'est donc avec une envie de retrouver ce que j'avais adoré dans sa précédente réalisation, que je me suis lancé dans le visionnage de ce projet. Sur le papier, le long-métrage emprunte effectivement les mêmes chemins que son prédécesseur, avec un fond qui change pourtant de cibles. Là où le film précédent avait traité de l'escalade de la violence, celui-ci cherche à approcher un fond plus politique, en traitant de la frontière entre les élus et la banlieue. Un sujet qui ressemble donc beaucoup, mais qui est traité via un autre angle. Maintenant, la question est de savoir si ce sujet est bien mis en situation. Je dois avouer que lors de l'amorce du film, j'ai eu assez peur. Si j'ai vite retrouvé la patte visuelle assez intéressante de Ladj Ly, via un premier plan-séquence en guise d'introduction, la suite de la première scène a eu du mal à m'embarquer. On distingue très rapidement le problème de ce projet, à savoir qu'il est beaucoup trop verbal. Si dans l'introduction, le problème est qu'il s'éternise trop à essayer de nous montrer la misère, dans la première partie du film, cela se caractérise par un manque très flagrant de subtilités dans les dialogues et dans les séquences. Sur toute la première heure, on a un sentiment de voir un empilement de séquences qui ressemble à un cahier des charges. Il faut la séquence de violences policières, celle où l'on voit l'entraide en banlieue, celle où le maire montre ses opinions, etc... Et en soi, c'est là que ce film se montre moins fort que "Les Misérables". Ce dernier, que l'on soit d'accord ou non avec son propos, avait réussi à jouer sur l'ambiance et à ne pas trop en raconter. Il montrait avant de dire, ce qui faisait que les thématiques étaient totalement dans la continuité de l'histoire. Ici, ce sont bien plus les thématiques qui amènent le scénario, ce qui pose problème. C'est assez déconcertant, en tant que spectateur, que nos personnages doivent nous verbaliser ce que le film cherche à nous dire. Et c'est même dommage, que ces mêmes personnages passent un peu au second plan à cause de cela. Pourtant, le casting se débrouille vraiment bien et les acteurs réussissent à être très crédibles. J'allais donc finalement me préparer à passer un moment banal face à ce projet. Même si la maîtrise visuelle était là, la façon dont le fond était présenté me dérangeait. Mais heureusement, tout réussi à changer dans la deuxième partie du long-métrage. À partir de là, on retrouve enfin ce qui fait la force de Ladj Ly. Enfin, le film arrête un peu de nous abreuver de dialogues trop remplis, et il va bien plus nous montrer et nous faire ressentir les choses. Je pense notamment à cette sublime séquence de l'expulsion, qui est assez forte à voir. Cette scène semble assez naturelle, Ladj Ly a certainement laissé sa caméra tourner alors que tout se dérouler. Via une approche en caméra portée et avec le minimum de dialogues possibles, l'ambiance prend et on est dedans. Cela se concrétise au sein d'une séquence très forte pour la conclusion, qui vient encore montrer la force de ce réalisateur à vouloir porter une ambiance et à laisser son casting jouait au naturel. Comme dans son précédent film, elle porte un propos assez fort, car il réussit à ne pas tomber dans une vérité absolue, le point de vue va bien plus être neutre au milieu de ces événements. Certes, on peut reprocher à cette scène finale d'être une sorte de reprise moins forte de la scène de fin de "Les Misérables". On sent que le réalisateur a voulu reproduire le même choc, et elle est malheureusement moins marquante. Mais c'est finalement par là que je dois terminer ma réflexion. Si je trouve des qualités et des défauts à ce film, le point le plus complexe de ce projet est son rapprochement trop grand avec "Les Misérables". D'un côté, on peut le comprendre, le long-métrage s'inscrivant dans une continuité logique. Mais de l'autre, peut-être que ce film aurait été plus appréciable s'il avait eu un recul supplémentaire par rapport à cela, en ne cherchant pas systématiquement la comparaison. Et je parle aussi bien de l'approche que le réalisateur peut avoir par rapport à son œuvre, que de notre façon dans juger cet ensemble. En bref, le film peine donc à correctement se raconter dans sa première partie, mais il montre toutes ses forces dans sa seconde. Et au global, la maîtrise visuelle du réalisateur se ressent, et le casting livre un très bon travail. Par conséquent, même si c'est effectivement moins fort que sa dernière réalisation, Ladj Ly livre encore un projet solide. Pour conclure, un moment avec des défauts, mais qui se défend.