«Ici, il n'y a que des gens qui viennent d'ailleurs. Les français n'habitent plus ici.»
4 ans après son très remarqué «Les Misérables», le réalisateur Ladj Ly nous revient avec ce nouveau film, second volet de sa trilogie dédiée aux banlieues.
Mettant cette fois en lumière des thématiques comme celles du mal-logement, le réalisateur dresse là encore le constat d'un contact rompu, cette fois-ci entre les habitants des cités et les politiciens censés les représenter et les écouter.
Des habitants, des familles, des communautés que l'on a parqué dans des immeubles fragiles et insalubres, et que l'on a laissé à l'abandon au fil du temps, habitants comme immeubles. Certains s'en accommodent, d'autres non. Certains veulent casser l'ordre établi, d'autres veulent (re)construire.
Des politiciens qui, soit ne connaissent rien du terrain (à l'image de ce jeune pédiatre issu d'un milieu aisé et propulsé maire suite à un décès, sans expérience et déconnecté de certaines problématiques), soit cultivent une forme d'hypocrisie de l'image (en accueillant notamment des migrants (choisis selon certains critères), mais en ne s'occupant pas de leurs propres habitants, ou en ordonnant aux forces de l'ordre de faire le ménage sans que cela ne change quoi que ce soit). Et qui, sous couvert de ré-urbanisation des banlieues et d'"embellissement" des cités, en profitent pour mettre sous le tapis des problèmes (et des gens) dont ils ont connaissance et qui ne vont pas disparaître pour autant, mais ne font que grossir et prendre plus d'importance.
Un film au propos réfléchi et qui évite en bonne partie de tomber dans un manichéisme grossier au vu du sujet abordé (même si certaines situations et dialogues au cours du film manquent de finesse pour paraître totalement crédibles), dépeignant là aussi une sorte de dialogue de sourds, de spirale dont personne ne peut réellement sortir vainqueur.
Un second long-métrage qui reste maîtrisé, mais qui se range du côté des oeuvres un peu plus classiques, auxquelles il manque quelque chose pour me marquer vraiment.
Une oeuvre à la réalisation propre, mais qui manque d'un certain mordant et d'une narration vraiment solide de bout-en-bout, à l'image de son précédent film.
Un film à l'aspect un peu cuté par moments, amorçant des idées intéressantes (
comme la volonté de la jeune Haby de se présenter aux prochaines élections municipales, préférant trouver une solution politique plutôt qu'aller mettre le feu à des panneaux ou des voitures («on ne peut pas toujours être qu'en colère»), et dont la campagne se lance
), mais les coupant parfois trop vite pour passer à la séquence suivante et créer ainsi un rythme plus soutenu.
Et surtout un film voulant se conclure de la même manière que «Les Misérables», en répétant ce cheminement en mode cul-de-sac, ce qui crée une redite étrange, qui fait moins sens ici qu'elle le faisait chez son aîné, et empêche de développer certaines pistes qui auraient pu être plus intéressantes (
j'en reviens à la campagne avortée d'Haby
) pour le sujet qu'il traite.
Bref, une oeuvre mettant en avant des problématiques qui durent encore et encore et ne peuvent laisser indifférent, traitées avec une certaine justesse et une belle maîtrise formelle, mais un film parfois un peu trop démonstratif, moins percutant que le précédent de son réalisateur, et possédant un final trop frustrant pour me convaincre comme il aurait fallu. 6,5/10.