Passer le cap du second film est toujours une étape difficile dans le parcours d’un réalisateur. Surtout quand cette deuxième tentative passe après une œuvre coup de poing mémorable au succès aussi bien critique que public. Cette dernière, il s’agissait du film « Les Misérables » et ses multiples prix à travers le monde, entre festivals et cérémonies, doublé d’un énorme carton en salles et d’une empreinte non négligeable sur la société. Ladj Li revient donc avec « Bâtiment 5 » et traite toujours un sujet qu’il connait bien : celui des banlieues défavorisées et délaissées par l’État.
Mais, il n’y a pas qu’une manière de les appréhender. Si son premier film parlait des bavures policières et des rapports entre jeunes des cités et la BAC, celui-ci entend nous parler de mal-logement et de magouilles politicardes. Beaucoup crieront encore au manichéisme dans la façon dont le cinéaste nous conte son histoire. Mais c’est comme si on reprochait à Ken Loach un traitement trop à gauche à ses œuvres... Ce sont des metteurs en scènes aux idées sociales, économiques et politiques bien arrêtées et qui font passer leurs convictions et leurs messages dans leur cinéma, ce qui paraît logique. Donc oui, parfois le trait est un peu grossier mais on a déjà vu bien pire. On pourra juste avancer que ce second long-métrage manque parfois de nuances, ce qui joue peut-être en sa défaveur pour aller cueillir un public non acquis à la cause.
On reprochera peut-être et plutôt à ce « Bâtiment 5 » de ne pas affronter son sujet durant tout le film. De ne pas le prendre à bras le corps. En effet, il y avait à dire sur le mal-logement, un sujet vaste, complexe et passionnant pour qui s’intéresse aux problèmes sociaux de son pays. Mais Ladj Li reprend le même schéma que dans le raté « Le jeune imam » de Kim Shapiron dont il a co-écrit le scénario : le script attend la dernière partie pour vraiment parler de ce sujet, enchaînant des scènes de manière arbitraire, facile et parfois hors-sujet jusque-là. C’est dommage et cela fait un peu sortir le spectateur du film même si le reste n’est pas non plus sans intérêt. Et un autre film parlant de ce sujet et se focalisant exclusivement dessus est sorti il y a deux ans avec bien plus de pertinence et de réussite. Prenant également, les banlieues comme décor et une mairesse comme personnage principal, l’impeccable « Les Promesses » de Thomas Kruithof et son écriture au cordeau, était clairement bien plus impactant.
Cependant, Ladj Li sait se servir d’une caméra. Du plan inaugural impressionnant qui voit un immeuble être détruit en même temps que le maire de la ville faire une crise cardiaque à cette opération d’évacuation forcée d’un immeuble à des fins politiciennes et déguisées, le cinéaste soigne ses images sans jamais en faire trop. Du côté de l’interprétation, la jeune Anta Diaw est une découverte mais Alexis Menenti se révèle peu convaincant en maire et pédiatre de banlieue. Ladj Li a voulu recaser l’acteur qui excellait en flic pourri dans son précédent film mais, là, il faut avouer qu’on n’y croit pas vraiment. En dépit de toutes ces scories, « Bâtiment 5 » se regarde sans déplaisir et prend le pouls d’une banlieue française qui agonise et dont les problèmes ne vont faire que s’accroître, le fossé entre les différentes parties étant bien trop important. Cependant, avant d’avancer que « Les Misérables » était un coup de chance, attendons de voir la prochaine proposition du cinéaste, car celle-là ne restera probablement pas dans les mémoires à cause de trop de maladresses.
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